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Le pays des pas perdus - G Kapllani

traductrice : Françoise Bienfait

vendredi 27 septembre 2019 par penvins

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Titre grec : Λάθος χώρα

Il y a celui qui est toujours resté fidèle à tout, Frederick, et puis il y a celui qui a refusé l’inacceptable. Comme toujours Kapllani donne la parole aux deux. L’étonnant est peut-être que celui des frères qui est le plus attaché aux racines, mais ce sont des racines autoritaires, c’est aussi celui qui est fidèle au père tandis que celui qui se révolte c’est Karl le garçon qui se place du côté de la mère.
Tout le monde lui disait qu’il en était le portrait craché et avait hérité de son sourire.
Et lorsque, quelque temps après avoir passé la frontière il est tout près d’abandonner, ce sera Clio une femme qui pourrait être sa mère qui le fera se décider à poursuivre son exil.
Le roman débute par l’enterrement du père, un père fanatique et violent auquel Karl s’oppose et qui mourra alors que le fils est loin, si loin qu’il ne reviendra dans le pays natal qu’après un interminable voyage – Boston-Rome-Paris-Tirana-Ters.
Un roman complexe comme peuvent l’être les Balkans, un roman qui dit la difficulté de choisir son camp fut-il celui de la tolérance contre celui du fanatisme parce que le fanatique toujours vous fait coupable de ne pas l’aimer.
Ainsi à l’enterrement du père :
Tout à coup un sentiment de culpabilité pénétra en lui comme un serpent qui se glisse dans un buisson sans qu’on le voie.
De même, Phrosô, la mère de Clio qui déteste les Albanais et ne cesse de donner des ordres à sa fille, raison pour laquelle celle-ci rêvait de transgresser l’interdit en tombant amoureuse de Karl, a toujours fait en sorte que sa fille se sente coupable.

La figure du père est centrale, c’est autour d’elle que la famille se divise, d’un côté les fidèles, de l’autre les révoltés. Le père c’est à la fois celui de Frederick et de Karl, c’est aussi l’ex-mari de Clio qui comme le père de La dernière page s’en va avec une jeunette.
On remarquera que le roman est encadré par deux enterrements, celui du père et celui de Fatmira auquel Karl tient à assister bien décidé à briser le boycott des villageois et à rendre hommage à celle qui "détruit les familles".
Kapllani tient toujours le cap, il est de ceux qui refusent l’intolérance et cependant – peut-être pour cette raison même, mais sans doute aussi parce qu’il est rongé par une culpabilité sourde – il ne cesse de donner la parole à ceux qui n’ont pas suivi sa voie :
Frederick : Un homme normal n’a aucune raison d’être affecté par le mal qui se produit autour de lui.[…] Après tout, la plupart des Tersaniens mènent une vie normale, avec leurs soucis, leur famille et leurs rêves…
ou bien :
Le seul remède contre ce mensonge, c’est le retour à une identité forte et au nationalisme. Le nationalisme n’est pas la haine des autres, c’est s’aimer soi-même, aimer sa langue, sa nation, sa race.
Ters qui signifie "ce qui va de travers" Kapllani y est attaché par nostalgie, mais cela reste la terre de son père et d’Envers Hodja, Ters c’est Λάθος Χώρα – le pays qui va de travers et dont il est parti et l’enterrement auquel il assiste en larmes ce n’est pas celui de son père mais celui de Fatmira, l’enfant de nulle part.
Merci à la traductrice de nous avoir fait découvrir ce roman tellement actuel.



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