lundi 25 juillet 2022 par Yazid Daoud
Pour imprimer
Eléments pour lire les Géorgiques de Virgile
Les Géorgiques est le deuxième livre de Virgile. Il est rédigé entre 37 et 30 avant J-C. Il s’agit d’un poème didactique qui s’adresse aux cultivateurs de la terre. C’est donc en ce sens que le livre s’inscrit dans le thème des Classes Préparatoires aux Grandes Ecole : le travail. Le mot « géorgiques « signifie « poème sur la culture de la terre « . Tout le texte se concentre sur les tâches des paysans. La tonalité didactique traverse le livre à travers la modalité jussive.
Au commencement n’était pas le travail :
Suivant le mythe de l’âge d’or, Virgile précise que le travail est une création de Jupiter. Avant lui, personne n’avait besoin de travailler : « Avant Jupiter, [...] les récoltes étaient mises en commun et la terre produisait tout d’elle-même, librement, sans contrainte. « (p.45) [toutes les indications des pages renvoient à l’édition GF prescrite au programme] Mais ce changement qui a l’air d’une malédiction est conçu par Virgile, au contraire, comme une source de gloire et d’honneur. En témoignent les attributs qui accompagnent les cultivateurs dans le livre. Il est vrai que l’antiquité conservait le labeur aux esclaves, mais Virgile n’évoque à aucun moment l’idée de l’esclavagisme. Bien au contraire, il voit les paysans comme « trop fortunés « (p.99), « courageux « (p.127) et les exhorte à attendre la gloire : « C’est un travail ; mais espérez-en de la gloire « (p.127)
L’apologie du travail :
Bien que présenté comme un labeur épuisant, le travail est loin d’être avilissant pour Virgile. Comme on l’a dit, c’est une source de gloire. Après avoir décrit plusieurs outils que le paysan doit manier pour mieux faire son travail, Virgile informe le travailleur : « Tels sont les instruments que tu auras soin de te procurer longtemps d’avance, si tu veux mériter la gloire d’une compagne divine. « (p.48) Ainsi, le statut du cultivateur se mérite et octroie à celui qui s’y engage une « gloire « , celle d’être protégé par les dieux.
En dépit de l’acharnement, le travail produit la joie : « Mets-toi nu pour labourer, mets-toi nu pour semer : l’hiver, le cultivateur se repose. Pendant les froids, les laboureurs jouissent d’ordinaire du fruit de leurs travaux, en donnant tour à tour de gais festins entre eux. « (p.56) Cette phrase décrit bien le passage de la fatigue du travail à la satisfaction du résultat. C’est que le labeur des paysans provient d’un besoin personnel. Se mettre nu est une image pour évoquer l’investissement total du laboureur qui doit tout donner pour jouir enfin de la production. Le labeur conduit donc à la gaité. Plus loin, l’auteur insiste sur la même idée : « Le laboureur fend la terre de son areau incurvé : c’est de là que découle le labeur de l’année ; c’est par là qu’il sustente sa patrie et ses petits-enfants, ses troupeaux de bœufs et ses jeunes taureaux qui l’ont bien mérité. « (p.103) Le travail du paysan est toujours vu sous le signe de son apport et son utilité à autrui. La gloire provient donc du fait que le laboureur a conscience de nourrir sa patrie et sa famille.
Dans cette idéalisation du travail, l’auteur ne manque pas de souligner les aléas du labeur. En insistant sur les différentes tâches et l’exactitude qu’il faut y mettre, l’auteur présente le travail comme un fardeau. Mais toujours sur une note optimiste, il finit par affirmer que « les obstacles [sont] vaincus par un travail acharné « (p.47) Ce travail est en passe de provoquer de la tristesse. En évoquant la maladie des taureaux, Virgile décrit le laboureur qui « s’en va, tout triste « (p.139) après la mort de son taureau, chercher un autre animal.
Dans son apologie du travail des paysans, Virgile les compare aux guerriers. Pour l’auteur, les laboureurs sont plus chanceux : « Ô trop fortunés, s’ils connaissent leurs biens, les cultivateurs ! Eux qui, loin des discordes armées, voient la très juste terre leur verser de son sol une nourriture facile. « (p.99) Le labeur devient donc facile en comparaison avec les dangers de la guerre. Les paysans doivent s’estimer heureux de puiser dans la terre, et non dans les armes, pour survivre.
Le travail est un savoir :
L’écriture même des Géorgiques montre que le travail est une question de technique et de maîtrise. Le livre se veut didactique pour apprendre aux paysans les secrets du labeur. « Apprenez, dit Virgile, les procédés de culture propres à chaque espèce. « (p.75) Non seulement un savoir mais des savoirs différents qu’il s’agit de maîtriser et d’utiliser au moment opportun. Dans les pages consacrées à la culture de la vigne, Virgile décrit le travail comme une activité pointue : « mais qu’en tout cas l’alignement exact de tes ceps laisse entre eux des intervalles égaux et symétriques. « Le lexique relatif à la géométrie rend compte de l’importance de la maîtrise dans le travail. Cette connaissance, selon Virgile, conduit au bonheur : « Heureux qui a pu connaître les causes des choses « (p.102) dit-il après avoir décrit les secrets de la culture des oliviers et des vignes.
Les exempla :
L’exemplum (pluriel : exempla) est un genre d’écriture ancien qui consiste à raconter un petit récit qui renferme une morale et qui met en valeur un exemple à suivre. Dans Les Géorgiques, nous pouvons repérer trois exempla : celui du vieillard de Tarente, celui d’Aristée et celui des abeilles. Les trois sont évoqués dans le quatrième livre.
Le vieillard de Tarente (voir le dossier à la fin du livre, p.216) vit dans un jardin fertile où tout abonde. Cependant, il possède un petit terrain infertile qui résiste à la culture. Paysan passionné, le vieillard travaille dur pour fertiliser sa terre. Ce qu’il réussit bientôt à faire et il vit dans une plus grande prospérité. Ce récit permet de mettre en évidence le travail acharné comme une véritable passion. La richesse ne devrait pas dispenser du travail, celui-ci étant une valeur qui transcende le gain.
L’allégorie des abeilles procède de la même façon. En décrivant un travail minutieux et organisé, Virgile conspue l’oisiveté et fait l’éloge du labeur. « Elles [les abeilles] se ruent hors des portes ; aucune ne reste en arrière. « (p.156) En plus de l’acharnement, les abeilles symbolisent également l’esprit de collaboration, leur travail étant une organisation parfaite qui s’appuie sur l’apport de chaque membre.
Enfin, le récit d’Aristée a une autre portée. Pour résumer, Aristée perd toutes ses abeilles et consulte sa mère pour retrouver ses richesses. Celle-ci l’envoie chez Protée qui lui indique comment retrouver ses abeilles à condition de faire des offrandes. Ce récit, à travers l’invocation des dieux, insiste sur l’importance de la spiritualité dans le travail.
DAOUD El Yazid, professeur agrégé de lettres françaises.
Livres du même auteur
et autres lectures...
Copyright e-litterature.net
toute reproduction ne peut se faire sans l'autorisation de l'auteur de la Note ET lien avec Exigence: Littérature