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Le Grand Art - Alexandra David-Neel
samedi 10 décembre 2022 par Meleze

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Dans le journal le Monde,son supplément litteraire, il est fait état de la misogynie dans les milieux littéraires sous la forme statistique des victoires féminines dans les concours. Il n’y est pas fait mention de ce livre « le grand art » ni de son autrice « Alexandra David-Neel ». Le Monde a bien raison. C’est un inédit, qui par conséquent n’a pas pu faire partie de la sélection, ayant juste fait l’objet d’une réédition récente.

C’est un plaisir d’écrire une note de lecture sur un inédit. Ça nous était déjà arrivé avec l’art de la joie. Il s’agissait aussi d’une écrivaine. Ça permet d’écrire des choses que les autres n’écriraient pas, et qui contribuent à façonner l’opinion.

Dans le cas l’Alexandra David Neel il s’agit d’une femme célèbre pour avoir fait découvrir les rites de l’hindouisme et du bouddhisme aux Français. Elle est devenue une égérie du féminisme tant son esprit d’aventure lui a fait connaître des situations dangereuses. Or de quoi s’agit-il dans « Le Grand Art » : il s’agit d’érotisme. Voici que l’idole a écrit des choses dont on peut avoir honte, que le livre a été refusé plusieurs fois, jusqu’à ce qu’un éditeur malin déniche le manuscrit et profite du renouvellement de la notoriété d’une femme décédée en 1969.

Érotisme est un thème très agréable pour retourner la critique de Samuel Dévot qui nous est imposée par l’éditeur sous la forme de 50 pages de commentaires à la fin de l’édition Le Tripode sans jamais oser aborder ce thème.

Pour comprendre ce livre on ne peut pas se passer de celui de la même époque - quoique un peu plus tardif - le journal tenu par Anaïs Nin. En effet c’est le même thème de la femme à la recherche d’un protecteur pour mener une vie de luxe. Anaïs Nin était la femme d’un banquier comme Cécile Raynaud qui dans "Le Grand Art" parvient à entrer à l’Opéra grâce à un banquier. Le lecteur suit l’héroïne d’un protecteur à l’autre et regrette que l’écrivaine n’ait pas eu l’audace d’Anaïs Nin d’aborder la question de la satisfaction sexuelle.

Le Grand Art est, quelle qu’en soit la signature, un premier livre ennuyeux, un peu long ! Peut-on pardonner à son autrice pour compte de sa célébrité ? Le grand Art n’est pas une expression utilisée pour comparer des arts entre euxtels que sculpture, peinture, théâtre… il a plutôt la signification de « manier » (comme dans l’art et la manière) parce qu’il consiste à passer des bras d’un séducteur aux bras du suivant. Il y a ainsi 4 protecteurs de suite dont un en Grèce doté d’une magnifique villa à Patras. Est-ce un sujet intéressant ? Est-ce que la caricature de la vie d’artiste faite à cette occasion est authentique ?

On peut en juger alors en se référant à un autre modèle, qui a pu aussi inspirer Alexandra David Neel, celui des "illusions perdues" de Balzac. Lucien de Rubempré monte d’Angoulême à Paris puis tombe amoureux de Cécilia la chanteuse d’opéra qu’il arrache à la protection d’un banquier.
Balzac est une caution d’objectivité qui présume de la vérité de ce qu’Alexandra David-Neel a vécu. A coup sûr l’opéra joué par le personnage du « Grand Art » est celui de Massenet. Ce dernier compositeur, était l’amant d’une cantatrice américaine, exactement comme Cécile Raynaud se fait passer pour telle, et avait écrit pour sa maîtresse le rôle de Thaïs.

Ce qu’on reproche à la critique officielle c’est de s’attarder à se demander si ce livre est digne ou non de la réputation de son autrice. Il aurait été plus intéressant de comparer « Le Grand Art » avec l’époque actuelle du #Metoo. Dans un long article consacré à Hervey Weinstein le producteur américain qui a été conduit en justice par les plaintes des actrices qu’il avait touchées, le journal New Yorker de cet été 2022, écrit que Weinstein n’a pas été l’inventeur du « casting couch » (ce qu’on traduira par coucher pour être choisi). Et, en effet, Alexandra David Neel n’affaiblit pas la femme en la faisant passer des bras d’un protecteur aux bras du suivant. Sa description de la vie de théâtre au début du siècle dernier est un avertissement à ses lectrices potentielles. Toutes les histoires et aventures des actrices qui sont racontées sont comme les confessions de ces femmes qui ont été offensées sans avoir pu se défendre.



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