lundi 26 février 2024 par Denis Emorine
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Sonia Elvireanu : Le regard…Un lever de soleil /Lo sguardo… Un’ alba français-italien traduction Giuliano Ladolfi (Giuliano Ladplfi editore, 2023)
Un regard de poète au cœur du monde
Rien ne s’oppose à la lumière, constate Sonia Elvireanu dans un des poèmes de ce recueil. La palette du peintre évoqué en liminaire permet à la poésie d’éclore à la faveur d’un lever de soleil.
Soleil… Le mot revient souvent ici : « le soleil glissant à travers tous les murs », « les scintillements du lever de soleil », « le soleil du lieu où les dieux/ont ensemencé le rivage », « …sous le rayon/de soleil ». Cette métaphore filée imprègne et illumine forcément tout le recueil.
Inévitablement, la lumière baigne cette poésie. Même l’ombre, l’obscurité semblent factices : « Le noir infusé de lumière n’est pas opaque,/les rayons du soleil s’y reflètent,/brisent l’obscurité comme la lune dans la nuit » « comme dans une symphonie de couleurs » « comme le rayonnement de l’amour » . Le titre nous l’indique clairement, tout est révélé par le regard attentif de la poétesse.
Avec Sonia Elvireanu, le bleu semble presque une couleur chaude sous « les ailes de la terre amoureuse », nous dit-elle. Tout resplendit ici. Tout est accord au sens musical du terme.
Sonia évoque les dieux, les lieux sacrés où la nudité d’un corps de femme consacre l’éternité du monde et l’accord suprême entre une femme et un homme.
Dans le poème Nu sur la terrasse -on croirait le titre d’un tableau- où la poétesse se met en scène, Le regard de l’aimé glisse sur ce corps offert, la nature est un miroir qui reflète un désir sous-jacent, prélude au sacrifice de la femme complice ,à la faveur d’un rite païen en harmonie avec la nature qui préside à la cérémonie :
l’autel sur lequel
tu es prêt à me sacrifier,
l’œil de l’amour sans crépuscule,
cette scène de théâtre épiée par le lecteur voyeur est l’ expression même du désir.
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Dans ces lieux visités par Sonia Elvireanu, « la lumière perce l’obscurité « même dans un hiver gris » et le poème monte vers un ailleurs entre sable, mer et ciel, là où les dieux ont laissé une empreinte de mystère. Avant de disparaître ?
« Borné dans sa nature, infini dans ses voeux, l’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. » écrivait Lamartine.
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Et pourtant la beauté, l’harmonie , la sensualité célébrées par Sonia n’empêchent pas une allusion à la guerre, si peu voilée qu’elle nous atteint particulièrement. Dans Folie ténébreuse, rien ne nous est donné, aucune indication géographique, même pas un simple nom de ville, une ville en flammes : laquelle ? nous ne le savons pas et c’est d’autant plus impressionnant.
Le paysage est flou, voilé par l’horreur ; le brouillard de la démence, s’exclame Sonia Elvireanu tandis que nous pensons à l’Ukraine. L’expression une ceinture de feu revient deux fois. Le contraste avec tout le recueil est violent.
Est-ce pour nous mettre en garde contre la beauté toujours évanescente d’un paradis menacé sur terre ? On ne peut répondre avec certitude. Qu’importe. Il est difficile de refermer -et le faut-il vraiment ?- cette parenthèse.
*
Sonia Elvireanu écrit en symbiose avec le monde. Peut-on parler de panthéisme dans cette poésie tellement la nature semble un temple vivant là où l’homme limité et même entravé par sa condition de mortel devrait retrouver le premier matin du monde avec dans la bouche un goût d’éternité ? Le temps semble parfois suspendu en un « commencement sans fin ».
Rien ne s’oppose à la lumière
même pas l’homme-mur
Par la grâce de sa poésie, nous pouvons retrouver le sens de la lumière qui irradie un monde harmonieux, sans fin où il devrait faire bon vivre. Sonia Elviranu en est la prêtresse, le démiurge Sans guide, nous ne savons pas à quelle porte frapper, où retrouver l’entrée d’un monde perdu ;
revenir sur le lieu qui n’appartient qu’à toi
croire que tu peux retrouver ton histoire…
Les dieux parlent par la bouche de Sonia Elvireanu. Elle est aussi « sur le sable Nausicaa [qui ] accourt pour accueillir/l’étranger jeté sur le rivage par les eaux »
*
Et me revient en mémoire ce bel aphorisme de Nietzsche : « Il faut quitter la vie comme Ulysse quitta Nausicaa avec plus de reconnaissance que d’amour »
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