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Didier Long, Tu sanctifieras le jour du repos - Gérard Haddad
jeudi 3 octobre 2013 par Calciolari

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Editions Salvator, 2012, pp. 183, € 17.

Dans la collection “Controverses bibliques” des Editions Salvator, est sorti un livre signé par Gérard Haddad et Didier Long, ayant pour titre Tu sanctifieras le jour du repos. Dans ce cas, la controverse est entre le shabbat et le dimanche, entre le repos de la vie juive et celui de la vie chrétienne.

Gérard Haddad, psychanalyste né à Tunis, a d’abord été ingénieur agronome en Afrique. Il est l’auteur de nombreux livres, dontL’enfant illégitime, Talmud et psychanalyse (1981), Manger le livre (1984), Le jour où Lacan m’a adopté (2002), Le péché originel de la psychanalyse (2007), Lumière des astres éteints. La psychanalyse et les camps (2011), qui témoignent d’un parcours singulier et exceptionnel.

Didier Long, ancien moine bénédictin, historien du judéo-christianisme, est l’auteur notamment de Défense à Dieu d’entrer (2005), Manuel de survie spirituelle dans la globalisation (2007), Petit Guide des égarés en période de crise (2012) ; et dans le domaine du judéo-christianisme, Jésus le rabbin qui aimait les femmes (2008), Jésus de Nazareth juif de Galilée (2010) et L’invention du christianisme (2011).

Les deux auteurs ont chacun écrit un texte, sans le réécrire après lecture réciproque. En fait, ce ne sont pas des interprétations qui sont en jeu, mais, pour Gérard Haddad, c’est la spécificité du shabbat pour la vie juive, authentique affirmation de la création du monde et donc de son Créateur, et de la délivrance de l’esclavage, et pour Didier Long c’est la reconstruction historique de l’hébraïcité de Jésus, qui était un gardien (shome) du shabbat, et de comment cette tradition juive du shabbat s’est poursuivie jusqu’au Ve siècle chez les chrétiens en Orient.

Gérard Haddad montre comment un peuple d’esclaves affranchis a donné au monde entier son invention du temps de la semaine scandée par sept jours avec le septième de repos. Le shabbat contribue donc à la structuration symbolique du temps et de l’espace, tout en étant la racine de la vigne du monothéisme, qui n’est pas un théomonisme.

« Le shabbat ne structure pas seulement le temps et le travail humain, il structure aussi l’espace ». Et à propos du travail, Gérard Haddad vient d’y dédier un livre (le premier essai qu’il avait écrit et jamais publié auparavant) : Tripalium. Pourquoi le travail est devenu une souffrance.
Gérard Haddad indique à quel point « le shabbat a donné lieu à bien peu de commentaires de la part des psychanalystes », et qu’il faudrait développer la piste de la jouissance et du repos, plus que celle de la pulsion de mort, si ce n’est pas la même question qui est en jeu. En fait, pour nous la pulsion de mort n’est pas la pulsion de tuer, mais celle de la mort de l’identité, de la mort du principe de la pseudo vie, celle des maîtres et des esclaves. Le repos contre la logique qui supporte le travail sans droit au repos (de l’esclavage au servage). Voilà la force du shabbat : (76)

Didier Long, en historien du judéo-christianisme (parce que, comme croyant chrétien, il aurait survécu dans l’oubli de la racine juive) est confronté à la question de l’innesto. A un certain moment, la branche qui surgit avec Jésus devient une autre chose, elle n’est plus juive mais chrétienne. Et cela avec Paul, Saül. Long a dédié un livre à l’invention du christianisme, et nous le lirons. En fait, l’effacement de la racine juive, poussée jusqu’à l’extermination, a été ignoble : dans sa nature et dans son escalade à l’infini potentiel. C’est comme si Caïn, dans la construction de la ville, avait pu effacer le souvenir du meurtre d’Abel.
Didier Long ouvre l’archive blindé du christianisme, sans pousser plus loin les implications de l’affirmation qu’il est face à une théologie de la substitution. En particulier, il est confronté (et il nous confronte) avec l’imposition impériale de la fête romaine du jour du soleil transformé en dimanche, conduisant les chrétiens à oublier le shabbat. Ses vestiges ont laissé une faible trace dans ce qui est devenu le sixième jour de la semaine : le samedi.

Le souhait de Didier Long est que les chrétiens puissent se souvenir à nouveau du shabbat ; et ceci ouvrirait, sinon le débat entre deux monothéismes (tout en laissant la question de l’ouvrir au troisième monothéisme), au moins une faille dans deux constructions symboliques figées en monuments imaginaires.

Le shabbat seulement par sa survivance dans le dimanche, en posant l’instance du repos, constitue une digue contre la domination des maîtres et un appel à la liberté de la parole.

Ceci est encore plus fort pour nous qui venons de travailler un mois sans repos, c’est-à-dire obligés par l’économie et la finance locales et internationales. C’est de l’esclavage, il n’y a pas d’autres termes pour qualifier les lois non écrites du travail en Occident.

Or l’esclavagisme n’était pas seulement le fait de l’impérialisme romain, c’était aussi une institution juive. Mais au moins le shabbat poussait à respecter un jour de repos aussi pour les esclaves, en souvenir de l’esclavage des juifs en Egypte.

Les théistes et les athéistes (les athées comme terme ne donnent plus matière à penser) ne se souviennent pas d’avoir été esclaves en Egypte ou quelque part ailleurs. Ils sont libres par définition et ils font ce qu’ils veulent et donc ils acceptent l’inacceptable : renoncer au repos, c’est-à-dire au shabbat, au rythme, à l’arithmétique de la vie.

Sans repos ils sont tous agités jusqu’au mouvement extrême et immobile de la catatonie. Bien sûr, l’écriture c’est notre shabbat.

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