mardi 20 mai 2014 par Alice Granger
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Le temps de cette pièce de théâtre de William Shakespeare, « Le Conte d’hiver », est très important, et c’est lui qui nous met la puce à l’oreille à propos de ce qui se joue. Il s’agit du temps qui va de l’imminence de la naissance d’une fille, à la cour du roi de Sicile, à l’imminence du mariage de celle-ci avec le fils du roi de Bohème, afin de faire avec lui un nouveau couple parental, mais à une autre cour, celle Bohème, déjà présentée dès le début, évoquant l’exogamie, l’absence d’inceste. Absence frappante du climat doucereux familial entre parents et enfants, à la cour de Sicile, qui évoquerait notre si familier consensus sur un climat incestueux fermé sur lui-même si bien pensant.
Temps de la mise en acte du renouvellement de l’humanité auquel chacun est appelé symboliquement à y prendre part afin que l’environnement humain toujours rajeuni repousse l’abîme de la finitude, rythmé par un intervalle de latence. Ce temps et ce dispositif symbolique familial voués à la gestation de nouveaux humains ne sont pas la vie en train de se vivre, mais la condition absolue de la joie de vivre. Il faut être sûr que, par ailleurs, sur une autre scène, les humains chacun à titre individuel assume sa part pour que l’humanité produise des êtres nouveaux et pousse ainsi à l’infini la vie, pour pouvoir vivre vraiment dans l’environnement humain et terrestre. Sur la scène de la vie, différente de la scène de la reproduction de la vie, l’arrivée de jeunes êtres relance l’énergie vitale chez les plus anciens, par l’impératif de l’éducation et de la transmission, mais aussi l’inventivité et la verdeur batailleuse des jeunes, ces autres face aux autres que sont les anciens, en mettant en question les acquis de leurs aînés, les poussent aussi à se renouveler et à préciser ainsi leur logique, leur histoire, leur œuvre, bref les jeunes rajeunissent leurs aînés, et les aînés en ne mourrant pas prématurément et dans un goût masochiste du sacrifice entravent les jeunes dans leurs fanfaronnades immatures de petits rois se croyant au centre de tout tels de petits génies. Et la vie se ressource par un printemps qui revient toujours.
Shakespeare, par sa géniale pièce de théâtre, nous invite au cœur du dispositif symbolique, sur une autre scène, de la reproduction humaine, où les personnages prennent des postures royales, pour une mise en scène d’une monarchie inconsciente comme jamais nous n’avons encore pu l’entendre. Notre monarchie inconsciente à nous, tellement d’actualité, reste kidnappée par un fantasme familial certes bien romantique et au nom de bons et très propres sentiments politiquement corrects mais masquant bien un féroce goût du pouvoir exploitant un supposé statut de mineurs éternels, justement, des nouveaux venus, instrumentalisant l’immaturité des petits humains et dans le même sillage tous ceux qui par leurs origines défavorisées peinent aussi à venir renouveler le nombre d’humains qui comptent. C’est dire si la géniale pièce de Shakespeare va loin et est très révolutionnaire, si nous l’écoutons bien. Elle est évidemment très difficile, et notre analyse requiert de ses lecteurs des efforts, elle n’est pas simplifiée, elle suit le rythme complexe d’une réflexion.
Tout de suite, avec Shakespeare, nous sommes donc mis face au drame abyssal de la finitude humaine, et l’impératif de la continuité de l’espèce par la reproduction sexuée comme rempart de résistance contre la mort construit le dispositif de cette si humaine pièce de théâtre dans laquelle la jalousie semble d’abord l’arme morbide de la destruction d’un couple royal alors même que tout semblait idyllique. Un fils était déjà né de ce couple royal, et une fille était sur le point d’arriver, mais on ne le sait pas tout de suite. Bref, tout pour être heureux dans ce lieu royal fermé sur lui-même : la reine Hermione est la plus belle des femmes, le roi en est très amoureux, et elle a un fils que bien sûr elle chérit. Mais voilà, un processus de destruction va s’amorcer par le poison de la jalousie… Le huis clos romantique ne peut tenir, il s’éventre.
On pourrait dire, en se plaçant du point de vue de cette fille, qu’on ne voit pas tout de suite comme le pivot logique de la pièce, une fille par laquelle doit passer la reproduction humaine, qu’elle doit laisser se détruire tout ce cocon familial où elle devrait être accueillie à sa naissance comme la petite princesse de la reine sa mère et du roi son père, pour se disposer à devenir elle-même mère dans une autre cour royale que celle d’où elle vient : perdue à la cour de Sicile, traversant un intervalle de temps où elle n’est plus que fille d’un berger, voici qu’elle retrouve un statut royal en entrant par mariage avec le fils d’une nouvelle cour, celle de Bohème. L’intervalle pendant lequel elle n’est que fille d’un berger suggère un temps de latence, une sorte de répit que lui laisse la logique de reproduction humaine. Ce berger, nous imaginons qu’il ne garde pas seulement les moutons soumis à la logique de la reproduction, tout le monde étant censé y aller, mais aussi cette fille, dont la matrice est si précieuse.
Cette pièce de théâtre si précise nous dit quelque chose par son titre : il s’agit d’un conte d’hiver. La saison est très importante ! C’est l’hiver. Une sorte de mise en sommeil de la vie en train de se vivre, de suspension, d’hibernation, afin qu’au printemps avec la germination la vie singulière reparte, pour un tour.
On pourrait dire que la saison d’hiver marque symboliquement le temps où la logique de la reproduction humaine prend la main, afin qu’au printemps la logique de vie s’épanouisse à nouveau tandis que la mort, la finitude, ont été cette fois encore repoussées par le renouvellement de la vie. Pour que chaque vie singulière se vive et s’épanouisse en oubliant qu’elle est mortelle, son renouvellement par la reproduction sexuée est indispensable, la pulsion de vie rajeunie offre la sensation incroyable d’une continuité, et que ça continue aussi pour ceux qui sont déjà là avant.
Cette pièce de théâtre, « Le Conte d’hiver », joue sur une autre scène, celle de la reproduction, celle du pas générationnel, ce dont s’acquitte une fille afin d’assurer la continuité de la vie par-delà la mortalité des humains, pour que sur la scène de la vie le plaisir de vivre, singulièrement, ne soit pas empoisonné par l’angoisse de mort. Le conte d’hiver, si on écoute entre les lignes du texte de Shakespeare, raconte cette mise entre parenthèses de la logique de vie par laquelle chaque vie singulière compte, afin que dans ce froid s’accomplisse le renouvellement de la vie, sa reproduction, ce qui est indispensable si chaque humain ne veut pas être cerné de partout par la perspective de la mort.
Sur l’autre scène, se perpétue le dispositif de génération de nouveaux êtres, et la fonction de la fille est très importante, elle doit s’acquitter de cet impératif de renouveler en quelque sorte la flamme et le garçon la suit dans ce dispositif. Alors sur la scène de la vie la communauté humaine peut oublier qu’elle est mortelle puisque ce qu’elle voit tout autour, ce sont des enfants qui arrivent tandis que la vieillesse y gagne un beau crépuscule et en possibilité de rester verte par la transmission et la confrontation qui force à toujours se renouveler soi-même, à rejouer un printemps de manière rythmique .
Le titre de la pièce peut en effet sembler énigmatique, en vérité c’est le beau conte de la vie qui se dispose à se renouveler qui y est raconté, afin que les humains ne butent pas sur l’horreur de leur finitude. L’hiver, d’accord, puisque la logique de la reproduction implique pour une part une sorte de gel, de mise en veilleuse, en hibernation, la vie singulière en train de se vivre. Mais c’est aussi un conte, une histoire qui s’avère belle à sa conclusion, par-delà des vicissitudes terribles.
Dans la pièce de Shakespeare, c’est un petit garçon, Mamilius, fils du roi de Sicile, qui parle du conte à sa mère Hermione, reine de Sicile. Mais ensuite, on n’entend presque pas le texte de ce conte, et aussi bien le fils Mamilius que sa mère vont mourir. C’est-à-dire que l’amour incestueux bien qu’en tout bien tout honneur entre mère et fils tombe en hiver, se gèle, se castre de sa dominance à teinte incestueuse, devant l’impératif de devoir faire continuer la vie par le couple parental de la génération suivante afin d’assurer à la communauté humaine une joie de vivre non lézardée par l’angoisse de mort. Comme si le garçon, et cette femme qu’est sa mère, devaient aussi laisser tomber en hiver leur vie le laps de temps nécessaire à la logique de la reproduction qui doit être en premier assurée si la logique de vie veut garder sa joie entière et prenne un autre départ que celui dominé par un paradigme incestueux. Le garçon et sa mère font tomber en hiver la jouissance présente, celle de la mère qui a son bébé dans une sorte de royal lieu matriciel où rien ne manque, où c’est une totalité ineffable. Le garçon fils de roi lit à sa mère la reine le conte d’hiver, c’est-à-dire qu’il lui dit que ce n’est pas cette totalité autosuffisante qui doit être le paradigme pour la vie, car sinon la finitude de la vie ne va pas tarder à lézarder un si grand bonheur, puisqu’une mère et son fils ne peuvent constituer un couple parental sauf dans le mythe incestueux oedipien.
Le fils lit à sa mère le conte d’hiver, c’est-à-dire qu’il lui lit le conte du renouvellement de la vie dans lequel ce n’est pas le couple incestueux qu’ils forment dans une sensation idyllique époustouflante qui va assurer le nécessaire pas générationnel indispensable à la logique de vie. Le conte d’hiver place dans un retrait radical le garçon dans son lien à sa mère et dans sa jouissance d’un lieu royal assuré par le roi son père, afin que le dispositif matriciel de renouvellement de la vie soit au premier plan, où prend place comme le pivot logique de la pièce la fille qui, elle non plus, ne jouit pas d’un lieu royal mais est précipitée sur terre. Ce qui se met en premier, c’est ce lieu de la destruction originaire, telle une naissance, et telle aussi la sensation aiguë de la finitude de la vie. Si chaque vie singulière veut s’assurer contre l’angoisse de mort, elle doit d’une part se sevrer de la croyance que le lieu matriciel prolongé par le lieu familial avec papa le roi et maman la reine protège contre les coups portés par la finitude, et d’autre part contribuer d’une manière ou d’une autre à la logique de la reproduction sexuée car c’est la seule chose qui puisse éloigner de notre horizon la perspective de la fin. Question du beau crépuscule, avec de magnifiques couleurs. Le conte d’hiver nous dit aussi, entre les lignes, que nous ne vivons pas pour nous reproduire mais le contraire : sinon, il se serait borné à nous endormir avec le récit de la jouissance d’une mère s’abîmant dans la contemplation du garçon qu’elle a fait, puis d’une fille. Le conte d’hiver, aussitôt que la mère a fait un garçon et est sur le point de faire une fille, dit que non, l’histoire ne peut pas s’arrêter à la jouissance refermée sur elle-même, sur une cour royale, de ce renouvellement-là de la vie, mais qu’il faut déjà penser au renouvellement de la génération suivante, à l’infini. Le conte d’hiver ouvre sur l’infini de la continuité humaine, et éventre le lieu d’une jouissance qui serait préservée de l’angoisse de la finitude. Nous ne vivons pas pour nous reproduire et ceci fait nous n’aurions plus qu’à contempler notre œuvre de chair en déléguant notre vie en elle, mais nous nous reproduisons pour vivre, chacun, notre vie singulière en voyant la vie se renouveler.
Le roi Léontes aime la plus belle des femmes, Hermione, mais tout se passe comme s’il y avait plus urgent que de vivre cet amour avec elle et avec les fruits de cet amour royal. Comme s’il fallait d’abord assurer la continuation de l’espèce humaine, pour pouvoir ensuite vivre cet amour avec la reine. Quant au garçon, sa vie singulière aussi doit s’arrêter : le dispositif du renouvellement de la vie exige que ce soit la fille, celle que la reine Hermione va mettre au monde, qui reste seule, en tant que matrice dans laquelle s’effectuera le passage générationnel. Cette fille qui sera jetée hors du cocon matriciel royal, à sa naissance. La princesse fille du roi de Sicile ne pourra réintégrer son statut royal qu’à partir du moment où, s’apprêtant à se marier avec le fils du roi de Bohème, elle aussi, à son tour, sera le lieu matriciel où s’accomplira la reproduction humaine. Le mariage royal assure des héritiers.
Bien sûr, Shakespeare raconte l’histoire autrement, dans sa pièce de théâtre. La jalousie du roi, terrible, à l’endroit de la reine Hermione, qui est enceinte, alors que le roi de Bohème, ami d’enfance du roi de Sicile, est leur hôte, empoisonne peu à peu une vie qui était jusque-là idyllique. Un lent et sûr processus de destruction est amorcé. Le roi Léontes aime la reine son épouse, et il a auprès de lui son ami le plus cher, le roi de Bohème. La reine Hermione est la plus belle des femmes, elle a un fils qu’elle aime, et elle est enceinte. Cette vie merveilleuse semble éternelle, mais on sent une menace, une imperceptible fissure, la crainte d’une tempête. Cet équilibre parfait ne peut durer. Et pourtant, s’il durait, la petite fille qui va naître jouirait du plus royal des cocons familiaux, auprès du roi et de la reine. Mais les parents ne sont littéralement roi et reine, imaginaires, que pendant la grossesse. Ensuite, la cour royale s’avère quelque chose de plus inconfortable, et le père est un simple berger… Donc la jalousie du roi joue comme une sorte de poison qui va détruire la matrice placentaire. Et la petite fille juste née va être transportée de l’autre côté de la rive au cours d’une traversée secouée, belle métaphore de la naissance. Il faudra qu’elle aborde à son tour le temps de la reproduction pour retrouver un dispositif, une cour, et ses personnages royaux, qui sont père et mère placentaires et matriciels.
Donc, à la cour du roi de Sicile, on sent qu’une catastrophe se prépare. Et l’impératif du renouvellement de l’espèce humaine se dit tout de suite, comme pour prévenir que c’est l’angoisse de mort, la finitude de la vie, qui précipite vers le renouvellement de la vie, vers le temps de la gestation. Le fils du roi est là pour incarner par sa jeunesse le barrage fragile contre l’angoisse de mort. Certes le roi de Sicile peut compter sur l’amitié de son ami d’enfance le roi de Bohème, mais cela ne suffit pas, puisqu’ils sont de la même génération.
Lorsque le seigneur de Sicile Camillo bavarde avec le seigneur de Bohème Archimadus, celui-ci lui dit : « Vous avez une consolation indicible dans le jeune prince Mamilius. » Camillo répond : « … C’est un noble enfant : un jeune prince, qui est un vrai baume pour le cœur de ses sujets : il rajeunit les vieux cœurs : ceux qui, avant sa naissance, allaient déjà avec des béquilles, désirent vivre encore pour le voir devenir homme. » Archimadus poursuit : « Si le roi n’avaient pas de fils, ils désireraient vivre sur leurs béquilles jusqu’à ce qu’il en eût un. » Voilà, nous sommes dans le vif du sujet ! La logique de la reproduction ! Face à la finitude de la vie ! Mais le noble enfant est un garçon… Ce n’est pas par lui directement que s’assure la pérennité de l’espèce humaine ! En tant que garçon, il est confronté à la finitude par-delà le confort de la cour royale, il ne peut rien, il ne peut pas abriter en lui le recommencement de la vie. Cela se dit dans la pièce par le fait qu’il va mourir.
Dans la scène II, il y a déjà en place le dispositif complet pour que puisse s’effectuer vraiment la gestation d’une nouvelle vie. A la cour de Sicile, il y a d’un côté le roi et la reine de Sicile, qui forment à deux le giron dans lequel une fille est conçue et est portée jusqu’à terme. Et de l’autre, Polixène le roi de Bohème, qui évoque son départ ainsi qu’une dette qu’il aurait envers son ami d’enfance. Du côté du roi de Bohème se profile déjà la cour comme dispositif où la fille incarnera à son tour avec le fils de ce roi le giron accueillant la gestation d’une nouvelle vie. Et la dette à l’égard de la vie sera payée. Puisque, d’une certaine manière, tout est déjà en place, le giron royal qui garde en son sein la petite fille qui arrive au terme de sa gestation, peut commencer le compte à rebours de sa destruction, et pour la naissance. Le roi de Bohème va partir, tandis que le roi de Sicile veut le retenir, car le baume de l’amitié lui est cher : « Mes affaires me rappellent chez moi… » La jalousie se pointe tandis que le roi de Sicile se tourne vers la reine son épouse, afin qu’elle retienne elle-même le roi de Bohème. Celle-ci dit à son mari : « Vous le suppliez trop froidement, seigneur. » Puis nous apprenons qu’il a un fils ! Evidemment, il faut qu’il ait un fils ! Celui que la petite fille qui va naître épousera ! Hermione dit au roi Léontes : « S’il disait qu’il languit de revoir son fils, ce serait une bonne raison : et s’il dit cela, laissez-le partir. » Et voilà ! Mais Hermione va se mettre à insister lourdement pour qu’il reste une semaine de plus, quitte à le retenir prisonnier, subterfuge de Shakespeare pour attiser la jalousie ravageuse ! Comme si, dans la perspective de la continuation de l’espèce, le roi de Bohème, qui a un fils, était plus cher à Hermione que son royal époux, avec lequel elle a presque mené à terme la gestation qui lui incombait. Hermione anticipe déjà la gestation qui s’accomplira à la génération d’après. Donc, le roi de Bohème Polixène, dans cette perspective logique, accepte bien sûr d’être l’hôte d’Hermione ! Et ceci porte à son point culminant la jalousie du roi de Sicile !
Là encore, en évoquant ce temps d’enfance où lui et le futur roi de Sicile étaient comme deux agneaux jumeaux, le roi de Bohème confie à la reine Hermione son angoisse de mort devant la finitude de la vie alors que « Nous étions, belle reine, deux étourdis, qui croyaient qu’il n’y avait point d’autre avenir devant eux qu’un lendemain semblable à aujourd’hui, et que notre enfance durerait toujours… Si nous avions continué cette vie, et que nos faibles intelligences n’eussent jamais été exaltées par un sang plus impétueux, nous aurions pu répondre hardiment au ciel, non coupables, en mettant à part la tache héréditaire. » La tache héréditaire ! Le sang plus impétueux : la sexualité ! Et la tache héréditaire… Le roi de Bohème semble regretter d’être tombé dans la piège de la reproduction, via ce sang impétueux de la sexualité… Bien sûr les nouveaux êtres qui naissent provoquent un dérangement absolu… Mais en même temps, ils font reculer l’angoisse de mort… Les femmes, la reine Hermione et la reine de Bohème, dans cette affaire, sont de mauvais anges, plaisante la reine de Sicile.
Léontes, roi de Sicile, dit à Hermione que c’est la deuxième fois qu’elle a parlé très à propos, en réussissant à retenir le roi de Bohème. La première fois, c’est lorsqu’elle a dit oui au roi Léontes. C’est un oui à l’accomplissement générationnel, à la génération d’une nouvelle vie, d’une descendance. Au roi de Bohème, elle dit un deuxième oui, en désignant à son mari que le prochain pas générationnel s’effectuera à la cour de Bohème, au niveau de la génération issue d’eux et du roi de Bohème et de son épouse qui, soudain, parce qu’eux ont un fils qui peut être épousé, déplacent toute l’importance sur eux. Il y a un fils à la cour de Sicile, mais celui-ci ne peut épouser la sœur qui va naître… Donc, Hermione met, aux yeux du roi de Sicile, toute son espérance du côté du roi de Bohème… « Elle présente la main à Polixène. » La chaleur d’Hermione à l’égard de Polixène roi de Bohème n’échappe pas à Léontes !
Rongé de jalousie, le roi de Sicile, comme par hasard, appelle son fils Mamilius. Il lui demande : « Mon petit veau, es-tu bien mon veau ? » Pourquoi ce doute ? « Il te manque la peau rude et cette crue que je me sens au front pour me ressembler parfaitement… » Ce fils en est encore à jouir d’un lieu matriciel, en ce sens il n’est pas symboliquement le fils de son père qui, lui, a la peau rude, c’est-à-dire est déjà marqué par la séparation originaire, par ce que raconte le conte d’hiver. « En considérant les traits de mon fils, il m’a semblé que je reculais de vingt-trois années… Combien je devais ressembler alors, à ce que j’imagine, à ce pépin, à cette gousse de pois verts, à ce petit gentilhomme ! » Description d’un jeune homme encore innocent de l’angoisse de mort, encore vert, encore assuré que la vie est éternelle. En même temps, le roi Léontes est fou de son fils, car il incarne la vie renouvelée. Il demande à son ami le roi de Bohème si lui aussi est fou de son propre fils. Polixène répond : « Quand je suis chez moi, seigneur, il fait tout mon exercice, tout mon amusement, toute mon occupation… par la variété de son humeur enfantine, il me guérit d’idées qui m’épaissiraient le sang. » Shakespeare évoque ici le piège qui pourrait enfermer les parents totalement fascinés par la jeunesse de leur progéniture et persuadés que celle-ci a guéri de l’angoisse de mort, et que désormais il suffit de vivre par délégation dans leur jeunesse, de se laisser être occupés de ses enfants. Or, c’est un piège, car ce qu’il s’agit de vivre, c’est toujours la vie singulière, non pas le personnage que l’on est dans la logique de reproduction. Shakespeare fait ici allusion au garçon réparateur, guérisseur, qui serait tout puissant pour repousser à lui seul l’angoisse de mort, comme s’il était, lui, éternel. Or, à leur tour, les enfants seront aussi attaqués par l’angoisse de mort, et devront réussir à vivre leur vie singulière. En faisant à leur tour avancer le renouvellement infini de la vie.
Le roi Léontes se tourne vers son épouse Hermione pour lui dire encore de bien accueillir le roi de Bohème, père du fils qui épousera leur fille : « … que tout ce qu’il y a de plus cher en Sicile soit regardé de peu de valeur ; après vous et mon jeune promeneur, c’est lui qui a le plus de droits sur mon cœur. » Et, la regardant s’éloigner, le roi de Sicile laisse parler en lui la jalousie : « Conclusion, il n’y a point de barrières pour garder une femme… des milliers d’hommes comme moi ont cette maladie et ne la sentent pas. » Et c’est là que son fils Mamilius dit à son père que l’on dit qu’il lui ressemble. Ressemblance dans la sensation de perdre sa mère matricielle ? « Mamilius, tu es un brave garçon. »
Puis le roi Léontes, tout à sa destructrice jalousie, lorsque le seigneur Camillo lui dit que le roi de Bohème prolonge son séjour en se rendant aux instances de la reine Hermione, l’accuse d’être complice de sa souveraine. « … j’en conjure Votre Majesté, parlez-moi plus clairement : faites-moi connaître et voir en face ma faute… » Le roi : « N’avez-vous pas vu… ou entendu… ou pensé en vous-même… que ma femme m’est infidèle ? » Camillo nie. Mais le roi de Sicile, lui, voit son monde royal, auto-suffisant, fermé sur lui-même tel une famille idyllique, s’effondrer, et il est père destitué en tant que roi pouvant assurer un tel lieu matriciel. « En tout cas, et le monde, et tout ce qu’il enferme, n’est donc rien non plus : ce ciel qui nous couvre n’est rien : la Bohème n’est rien : ma femme n’est rien, et tous ces riens ne signifient rien, si tout cela n’est rien. » Bref, grande sensation d’anéantissement, et que le monde idyllique immobile, privilégié, n’existe pas.
Camillo s’inquiète : « Mon cher seigneur, guérissez-vous de cette funeste pensée, et au plus tôt, car elle est très dangereuse. » En effet, la croyance à un lieu auto-suffisant, centré sur lui-même telle une cellule familiale, est dangereuse, car quelque chose de morbide la borde de toutes parts, dans l’usure de la répétition et de l’entre soi appauvrissant. L’entre soi étant incarné par le roi de Bohème, son ami, et ce milieu royal est fermé sur lui-même, rien ne s’y renouvelle, n’apporte du radicalement autre.
Le roi Léontes accuse le seigneur Camillo, qu’il a tiré de l’obscurité, de ne rien voir. Puis il lui demande de faire boire au roi de Bohème une potion lui procurant le sommeil éternel. Le seigneur est d’accord, à condition que le roi de Sicile reprenne la reine, et son fils. Comme si la totalité royale de la cour de Sicile n’était en rien menacée ! Le seigneur Camillo est désespéré : « Il faut que je sois l’empoisonneur du vertueux Polixène : et mon motif pour cette action, c’est l’obéissance à un maître, à un homme qui, en guerre contre lui-même, voudrait que tous ceux qui lui appartiennent fussent de même. » En guerre contre lui-même… Une sorte de pulsion de mort attaque l’idyllique totalité royale et familiale… Il se produit une sorte d’implosion…
Arrive Polixène, roi de Bohème : il sent tout de suite que quelque chose a radicalement changé à la cour du roi de Sicile. Il sent une menace, une destruction, plus rien n’est pareil. « A l’air qu’a le roi, on dirait qu’il a perdu une province, quelque pays qu’il chérissait comme lui-même. » Le roi a perdu son lieu originaire, matriciel, aucun lieu à l’abri des coups de la finitude ne résiste. Il n’y a plus d’abri royal. Même la reine Hermione lui a donné l’impression de regarder ailleurs comme si ce lieu idyllique n’avait plus aucune réalité. Le roi de Bohème est lui-aussi déstabilisé, bouleversé : « … car il faut bien que j’aie quelque part à cette altération en trouvant ma position changée en même temps. » Camillo répond en évoquant un mal, cette pulsion de mort, qui aurait été gagné par le roi de Bohème. La destruction a en effet, via la jalousie, pris le visage du roi de Bohème, qui a un fils… « Une maladie gagnée de moi, et cependant je me porte bien ! » Alors, Camillo avoue au roi de Bohème qu’il est chargé par le roi de le tuer. Afin de sauvegarder le lieu idyllique fermé sur lui-même. Camillo dit au roi de Bohème : « … partons cette nuit ! » La fuite du roi de Bohème et de sa suite, ainsi que celle de Camillo, est destinée à sauvegarder la reine Hermione. Le roi de Bohème fuit pour sauver sa vie, en danger dans ce lieu.
Le deuxième acte commence par la fatigue que ressent la reine Hermione à s’occuper de son fils Mamilius. Ce garçon, prince à la cour parentale royale, fatigue sa mère, il ne peut être toute sa vie, sa vie singulière tente de se manifester par la fatigue, cet écart. Par ailleurs, si la reine est fatiguée, c’est qu’elle est sur le point d’accoucher… d’une fille. C’est à ce moment-là que la reine demande à son fils, le prince, de lui raconter un conte. « Faut-il qu’il soit triste ou gai ? » demande le garçon. « Aussi gai que vous voudrez. » répond la reine mère. Le petit prince répond, tandis que la naissance de la fille est imminente et vaut coupure du cordon pour le garçon : « Un conte triste va mieux en hiver. » Le garçon commence les premières bribes du conte : « Il y avait une fois un homme… Qui demeurait près du cimetière. » Et voilà : la mort, la finitude de la vie !
Entre le roi Léontes, qui apprend la fuite du roi de Bohème, accompagné de Camillo, qu’il voit comme l’entremetteur. Très en colère, il ordonne qu’on sépare le garçon de sa mère, et il déclare que l’enfant sur le point de naître est du roi de Bohème ! Annonce masquée que la fille encore invisible vivra à la cour de Bohème par mariage avec le fils du roi de Bohème, donc elle sera par ce lien sa fille. Franchement du pas générationnel oblige… Elle ne peut rester dans un lien incestueux avec son père, qui serait paradigmatique pour toute sa vie, surplombant le choix de son époux ! La coupure du lien biologique et paradigmatique de la fille d’avec ses parents et la perte du cocon royal matriciel est très important ! Cette coupure ne place pas comme la seule chose désirable le modèle matriciel de jouissance d’un milieu où tout baigne comme dans une cour royale qui symbolise l’éternisation et la non perte d’une logique de gestation. Au contraire c’est plutôt la destruction qui bascule les choses vers la génération d’après et le passage de relais en ce qui concerne le renouvellement de la vie afin que chaque membre de la communauté humaine vive dans un environnement humain toujours en travail et en bataille et en invention incitant à se sentir soi-même toujours du nombre en se renouvelant ! Une sorte de révolution logique substitue la pérennisation de l’environnement humain toujours en renouvellement à un milieu d’origine fermé et fini comme une matrice même s’il est qualifié de royal parce que pour le petit enfant maman est une reine et papa est un roi en regard de l’immaturité et de la fragilité du membre de la communauté humaine qui arrive sur terre, d’où la tentation du fantasme de toute puissance de ces figures parentales vues comme roi et reine saturant l’environnement naissant.
La reine, symbole matriciel, suivie par ses femmes, est répudiée par le roi. Elle va vers sa mort, comme un programme d’apoptose en cours de la matrice placentaire continuée en cocon royal dont la petite fille ne jouira pas. Rien à voir, donc, dans la pièce de Shakespeare, avec ce cocon que les parents actuels désirent à tout prix perpétuer pour leur descendance, comme si la logique placentaire, dans un régime marchand planétaire, n’avait pas de fin.
Antigone, un seigneur, fait le point, en disant que trois personnages sont dans l’affaire irrémédiablement compromis : le roi, la reine, et leur fils. Le lien mère-fils est en effet rompu, et cette totalité idyllique dont le fils serait le bénéficiaire exclusif ne peut plus avoir pour corollaire que l’homme qu’il deviendrait pourrait assurer à sa future épouse cette même totalité fermée sur elle-même telle une royale matrice.
Antigone évoque ses trois filles, qui lorsqu’elles seront en âge pourront aussi, comme Hermione est soupçonnée de l’être par le roi de Sicile, être adultères. Dans ce temps de la pièce, les filles et les femmes qu’elles deviennent sont irrémédiablement non fiables pour garantir la totalité imaginaire fermée sur elle-même, où la répétition des jours où rien ne manque fait paradoxalement monter la puissance d’attaque de la finitude de la vie. Il n’est plus possible de croire que les femmes, parce qu’elles sont épouses de roi assurant une royauté idyllique, se satisferaient d’une vie entre soi fermée sur elle-même, sans renouvellement. C’est donc la fille qui, arrachée au lieu royal qui devrait faire son bonheur si fortement qu’elle ne désire rien d’autre, est le pivot d’un passage générationnel : elle dit que c’est le renouvellement générationnel qui assure un environnement viable et joyeux comme la vie et non pas un environnement matériel tel le bon milieu parental que ces filles n’auraient envie de quitter que pour retrouver le même assuré par un homme roi ressemblant à leur père.
Antigone, qui dans le théâtre de Sophocle est une femme mais dans celui de Shakespeare un seigneur, affirme que, désormais, « … il n’y a pas un seul grain pour adoucir l’aspect de cette terre fangeuse. » Voilà : plus rien ne retient sur la royale terre incestueuse de l’origine, entre maman et papa. Le renouvellement incessant de l’environnement humain est infiniment plus efficace pour nourrir l’énergie vitale des êtres humains. Antigone est le seigneur qui va conduire la fille pour le passage risqué vers l’autre rive. Tandis que dans le théâtre Oedipien de Sophocle, la fille Antigone veut d’une part enterrer son frère, et d’autre conduire son père Œdipe à Colone. On dirait que Shakespeare considère que ça ne vaut pas le coup de s’éterniser dans le drame oedipien, car en terme de gain de l’énergie vitale pour chacun des êtres humains, assurer le pas générationnel pour pérenniser la jeunesse de l’environnement humain est sans comparaison infiniment plus efficace. En quelque sorte, nous sommes face à un père qui ne peut plus retenir et séduire sa fille, même si dans le théâtre de Shakespeare, il n’y a même plus de face à face de la fille avec son père.
L’oracle de Delphes est consulté. Nous saurons sa réponse sur la culpabilité d’Hermione à la fin, et ce sera un coup de théâtre, une sorte de raison reconnue à cette femme.
Pauline, au service de la reine, apparaît pour apporter une lumière de vérité sur la réalité de cette cour royale de Sicile, qui par ses paroles perd toute sa séduction : « Il n’est point en Europe de cour assez brillante pour toi : que fais-tu dans cette prison ? » Elle parle de la reine, d’une femme qui ne soutient plus la croyance à un lieu familial cellulaire auto-suffisant paré de toutes les qualités qui sont celles d’une matrice jamais détruite ni quittée.
Sous le choc de la répudiation et de son emprisonnement, la reine accouche un peu prématurément d’une fille dont elle parle ainsi : « Ma pauvre petite prisonnière, je suis aussi innocente que toi. » Ni la mère, ni la petite fille juste née ne cautionnent un lieu matriciel auto-suffisant qu’on ne voudrait pas quitter. Au contraire, la vie c’est le quitter. L’innocence évoquée suggère un non cautionnement par les filles, désormais, de la logique incestueuse. Nous sommes au-delà de la loi de l’interdit de l’inceste, qui suppose la structure incestueuse, pour ensuite l’interdire.
Pauline, la femme de confiance de la reine, demande à ce que celle-ci lui confie la petite fille, afin qu’elle aille la présenter à son père le roi de Sicile.
Léontes apprend que la petite fille a perdu l’appétit, impact sur elle du bannissement de sa mère. Pauline entre en portant l’enfant dans ses bras. Le roi avait chargé Antigone, sorte de passeur et mari de Pauline, de l’empêcher d’approcher. Le roi, qui ne veut pas de cette fille qu’il nomme bâtarde, demande à Antigone de la ramasser et de la rendre à sa mère. Très forte, cette scène d’un père qui ne reconnaît pas sa fille, c’est-à-dire ne la retient pas incestueusement dans le lieu royal qu’il saurait lui assurer afin qu’elle ne désire rien d’autre qui ne soit fidèle à ce modèle. Léontes s’écrit : « Cet enfant n’est point à moi : c’est la postérité de Polixène. Ôtez-le de ma vue, et livrez-le aux flammes de sa mère. » Postérité de Polixène : par mariage avec son fils, elle sera de la cour du roi de Bohème, où s’accomplira le renouvellement de l’espèce, loin d’une logique endogamique. Léontes est plus que jamais soumis aux couleurs destructrices de la jalousie. Sa fille aussi préférera la cour exogamique de Bohème à la sienne, endogamique, car la logique de vie y trouve son compte. Léontes dit à Antigone : « … emmène-la d’ici. » Et qu’Antigone la livre aux flammes ! Puis il se ravise : « Nous t’enjoignons, par ton devoir d’homme lige, de transporter cette bâtarde dans quelque désert éloigné, sans plus de pitié à sa propre protection, aux risques du climat… je te charge au nom de la justice, au péril de ton âme et des tortures de ton corps, de l’abandonner comme une étrangère à la merci du sort, à qui tu laisseras le soin de l’élever ou de la détruire : emporte-la. » Quel beau récit de naissance, cet abandon au dehors, à son climat qui n’est plus celui d’une matrice où la température est toujours la même, à ses aléas. Les enveloppes placentaires royales ne protègent plus la petite fille, tel un nom du père puissant et royal ! C’est tout un modèle idéal d’environnement qui est détruit, afin que s’y substitue un environnement humain vivant sur terre, avec les aléas que cela implique et la confrontation avec l’altérité.
Au troisième acte, les députés Cléomène et Dion envoyés à Delphes consulter la Pythie au sujet de la culpabilité de la reine Hermione sont de retour. Ils rapportent le sceau du grand-prêtre d’Apollon, sur lequel est écrit ce qu’a dit l’oracle. Arrivet le roi Léontes et la cour rassemblée. La prisonnière Hermione est aussi amenée.
La reine Hermione, qui rappelle qu’elle est fille d’un monarque, compagne de la couche d’un roi, et mère d’un prince de la plus grande espérance, dit que ce qui lui importe est seulement l’honneur, qui « … doit se transmettre de moi à mes enfants, et, c’est lui seul que je veux défendre. » Alors, elle exige qu’Apollon, et la réponse de l’oracle, soit son seul juge. Le sceau est rompu, et l’officier lit : « Hermione est chaste. Polixène est sans reproche. Camillo est un sujet fidèle. Léontes est un tyran jaloux, son innocente enfant un fruit légitime : le roi vivra sans héritier, si ce qui est perdu ne se retrouve pas. » Toujours cette préoccupation de l’héritier !
Léontes ne croit pas le jugement de l’oracle. Et un page lui annonce que son fils est mort. La reine s’évanouit. Accablé, le roi voudrait tout effacer, et retrouver sa reine. Mais Pauline lui annonce qu’Hermione est morte. Impossible de revenir en arrière, de remonter au royal temps matriciel ! La destruction a fait disparaître les enveloppes placentaires royales. Le roi ne peut plus les restituer. Le nom du père n’a plus aucun pouvoir.
La pièce de théâtre s’ouvre maintenant sur le sort de la petite fille, emportée par mer vers le désert de Bohème par Antigone. Mais, comme métaphore de la naissance et de ses secousses violentes, le débarquement s’annonce « dans un mauvais moment : le ciel a l’air courroucé et nous menace de violentes rafales. Sur ma conscience, les dieux sont irrités de notre entreprise et nous témoignent de leur colère. » Antigone laisse le marinier à bord de la barque malmenée, et emmène la petite fille dans le désert de Bohème infesté de bêtes féroces. Les autres qui habitent la terre apparaissent d’abord dans une altérité féroce à une petite fille de roi qui n’a connu que le cocon royal matriciel. La mère de cette enfant, la reine Hermione qui est morte, apparaît en rêve à Antigone. Elle lui demande d’appeler sa fille Perdita. Puisqu’elle est perdue pour toujours. Antigone abandonne Perdita, en laissant près d’elle un coffre rempli de bijoux et d’or. Ce coffre sera important par la suite, il permettra de reconnaître les origines de cette fille. Antigone s’éloigne, il est poursuivi par un ours qui va le dévorer.
Un berger découvre la petite fille abandonnée. Son fils arrive, et lui raconte ce qu’il a vu sur la mer, la tempête terrible qui a détruit la barque et son équipage. Barque comme ultime symbole matriciel pour Perdita, et désormais détruite. De même, il a vu Antigone être déchiqueté par l’ours. La petite fille a perdu tous les liens qui la rattachaient à sa royale vie matricielle. Elle est abandonnée à la vie sur terre. Son père n’est plus un roi puissant, mais un pauvre berger qui ne peut lui assurer une vie de princesse. La métaphore paternelle incestueuse n’existe plus. La fille ne pourra retrouver un statut de fille de roi et d’épouse de futur roi que dans la perspective de continuer l’espèce humaine en faisant couple parental. En attendant, elle entre dans un temps de latence. Le berger dit à son fils : « toi, tu as rencontré des mourants, et moi des nouveaux-nés ! » La terrible sensation de la finitude de la vie est repoussée par le renouvellement des humains. Le fils dit justement à son père berger : « vous êtes un vieux tiré d’affaire : si les péchés de votre jeunesse vous sont pardonnés, vous êtes sûr de bien vivre. De l’or, tout or ! » Le berger dit : « Nous avons du bonheur, mon garçon… » Voilà un garçon étrangement libéré d’avoir à être puissant et pouvoir assurer l’éternisation d’un cocon familial matriciel… Le statut du garçon est en effet devenu très différent… Le berger : « Que mes brebis aillent où elles voudront. » Une très nouvelle liberté semble habiter désormais chaque vie singulière.
Au quatrième acte, le Temps est un personnage ! Ce temps qui fait et détruit l’erreur, qui éprouve les hommes, est en fait le temps de latence qui glisse sur seize années, « laissant ce vaste intervalle dans l’oubli. » « Si votre indulgence me le permet, je retourne mon horloge, et j’avance mes scènes comme si vous eussiez dormi dans l’intervalle. Laissant Léontes, les effets de sa folle jalousie et le chagrin dont il est si accablé, qu’il s’enferme tout seul : imaginez, obligeants spectateurs, que je vais me rendre à présent dans la belle Bohème, et rappelez-vous que j’ai fait mention d’un fils du roi que je vous nomme maintenant Florizel. » Et voilà ! Pendant l’intervalle du temps de latence, la fille a vécu sa vie libre, surtout hors du giron incestueux assuré par un nom du père. Son père n’est qu’un berger : elle n’est pas sa princesse, elle n’est pas retenue par un dominant paradigme paternel. Mais à seize ans, elle doit à son tour se préparer à accomplir sa part dans la logique de renouvellement de l’humanité, et se faire reine, unie à un roi, pour assurer en une matrice royale la gestation qui, seule, garantit la continuité de l’aventure humaine dans sa singularité.
Dans la perspective du franchissement du pas générationnel afin d’accomplir ce qui lui revient dans l’impératif de la continuité de la vie, la fille qui sort à seize ans du temps de latence va retrouver le sens symbolique de la royauté qu’elle avait perdue. Elle-même en train lentement de devenir reine à son tour en se mariant au fils et héritier du roi de Bohème retrouve le sens symbolique de cette monarchie inconsciente : elle est métaphore du temps de la gestation, où la mère matricielle est reine, et où le père matriciel est roi, ce temps où l’enveloppe giron a un pouvoir total sur le développement embryonnaire et fœtal de l’être nouveau qui va naître. En ce sens, la royauté de Sicile d’où elle vient se trouve réparée par la nouvelle royauté dans laquelle elle va entrer, dans une logique de la reproduction de la vie.
C’est pour cela que le seigneur Camillo, qui a fuit la cour de Sicile avec le roi de Bohème, commence à ressentir de la nostalgie : « Il y a seize années que je n’ai revu mon pays. Je désire y reposer mes os, quoique j’ai respiré un air étranger pendant la plus grande partie de ma vie. » Le roi de Bohème est réticent à le laisser partir, car pour l’instant, on ne sait encore rien du mariage royal qui se célèbrera, et Camillo rentrant dans sa patrie ne doit pas seulement être le messager de Perdita qui n’est pas morte, mais aussi celui qui annonce l’alliance des deux familles royales ainsi que la perspective d’avoir des héritiers, puisque la fille héritière est vivante. Pour l’instant, le roi de Bohème Polixène constate juste que son fils est absent, occupé ailleurs. Il est presque toujours aux alentours de la maison d’un berger, qui « a une fille des plus rares. » Et oui ! Le roi de Bohème veut voir ce paysan, sans se faire connaître, et comprendre quel est le motif qui attire là son fils et héritier royal. Pour cela, il a encore besoin de Camillo près de lui.
La campagne près de la maison du berger est poétique, joyeuse, fleurie, colorée. Elle a un air de sortie de l’hiver, de germination, les oiseaux tendres chantent. Viendra l’été, le temps où rouler dans le foin…
La fête de la tonte des moutons se prépare. La fille du berger, qui est en vérité Perdita la fille du roi de Sicile, sera la souveraine de cette fête.
Perdita et Florizel entrent dans la cabane du berger. Ils ne savent pas encore qu’ils seront bientôt le nouveau couple royal, en lequel s’accomplira la continuation de la vie. Le prince fils du roi de Bohème dit à sa belle : « Vous n’êtes point une bergère : c’est Flore, se laissant voir à l’entrée d’avril… » Elle répond : « … vous vous êtes éclipsé sous l’humble habit d’un berger : et moi, pauvre et simple fille, je suis parée comme une déesse. » Le prince : « Je bénis le jour où mon faucon a pris son vol au travers des métairies de votre père. » Oh la la, ce faucon ! Mais Perdita, qui se croit pauvre bergère, craint que le roi de Bohème père du prince Florizel ne veuille pas d’une fille comme elle. Mais le prince évoque déjà leurs noces.
A ce moment-là, entrent le berger, son fils, mais aussi le roi de Bohème et Camillo, tous deux déguisés. En fait, ce sont des personnages qui ne deviennent royaux que dans le dispositif monarchique de la gestation. Dans ce temps à part, du point de vue de l’être nouveau qui se développe dans le giron, la mère et le père sont reine et roi, et peuvent tout, offre tout, dans un huis-clos fabuleux.
Le berger, qui évoque son épouse hélas décédée, mais qui savait recevoir ses hôtes en parfaite maîtresse de maison, s’étonne que sa fille « vous êtes à l’écart comme si vous étiez un de ceux qu’on fête, et non pas l’hôtesse de l’assemblée. » Cet humble père invite sa fille à se présenter comme la maîtresse de la fête. Elle doit remercier ceux qui sont venus à la fête de la tonte des moutons, « si vous voulez que votre beau troupeau prospère. » La prospérité non seulement du troupeau, mais encore plus celle de l’espèce humaine continuée…
Perdita offre aux hôtes du romarin, qui symbolise le souvenir, et de la rue, qui est l’herbe de la grâce. Le romarin, en tant qu’herbe du souvenir, offre un parfum d’hiver. Polixène, déguisé, dit à Perdita : « … vous avez bien raison de nous présenter, à nos âges, des fleurs d’hiver. » Toujours la hantise de la finitude de la vie, et face à elle la perspective du renouvellement de la vie qui va passer par cette jeune fille qu’un jeune homme a remarquée, emporté par son fougueux faucon…
La jeune fille entreprend une sorte de séduction du roi de Bohème déguisé, elle lui offre des fleurs : « Voici des fleurs pour vous : la chaude lavande, la menthe, la sauge, la marjolaine et le souci, qui se couche avec le soleil et se lève avec lui en pleurant. Ce sont les fleurs de la mi-été, et je crois qu’on les donne aux hommes d’un certain âge. Vous êtes les très bienvenus. » Camillo est lui aussi très sensible : « Si j’étais un de vos moutons, je cesserais de paître et je ne vivrais que du plaisir de vous contempler. » Il faut que quelque chose de puissant détourne les moutons de leur pâturage et les pousse vers cette sexualité qui renouvellera la vie… Ici, on n’a plus une future belle-fille qui s’essaie à plaire à sa belle-mère pour qu’elle lui laisse son fils, mais une fille qui entreprend de plaire à son futur beau-père comme elle plaît à son fils, comme pour réveiller en cet homme de la génération d’avant une ardeur désormais crépusculaire. Mais elle se tourne alors vers le jeune Florizel : « Et vous, mon bon ami, je voudrais bien avoir quelques fleurs de printemps qui pussent convenir à votre jeunesse… » Quand même ! Elle se désole de ne pas avoir toutes ces fleurs dont elle voudrait couvrir son corps. Le jeune homme frémit : « Quoi ! Comme un cadavre ! » Elle : « … non comme un cadavre, ou du moins pour être enseveli vivant dans mes bras. » On parle de petite mort… Le prince a de plus en plus l’impression que les manières de la jeune fille sont celles d’une reine. Logique… Très vite, le prince trouve qu’elle « est trop noble pour ce lieu. » Evidemment, la logique de vie est en train de basculer vers la logique de la reproduction, où la future mère matricielle est une reine au pouvoir énorme, puisqu’elle abrite en elle la vie continuée. « … c’est la reine du lait et de la crème. » On ne peut être plus précis en terme de sexe…
Fête. Chansons. Balades. Amours, jeunes filles, amants. Rubans, dentelles. « L’argent est un touche à tout. Qui fait sortir les marchandises de tout le monde. » Il s’agit de rehausser la beauté des jeunes filles… Soie, dentelle…
Le berger donne sa fille à Florizel, mais personne ne sait encore qui est son père. Polixène demande qui est son père. Est-ce parce qu’il est vieux et indigent qu’il n’est pas là ? Encore le thème du vieillissement et de la mort ! Polixène, évoquant son fils dont il ignore encore qu’il est devant lui, dit : « … il serait de bonne justice aussi que le père, à qui il ne reste plus d’autre joie que celle de voir une belle prospérité, fût un peu plus consulté dans pareille affaire. » Shakespeare sort la question de la reproduction du huis-clos répétitif appauvrissant de la jouissance d’un couple face à sa progéniture comme si la logique de vie devait se rabattre sur la logique de la reproduction. Il s’agit, de manière infiniment plus large, que chaque vie singulière ne soit pas envahie par le poison de la finitude, et le meilleur rempart contre l’absurdité de la vie est l’arrivée incessante de nouvelles vies qui reçoivent la transmission et sont aussi confrontés à des autres qui ne sont pas encore enterrés. Shakespeare sort toute cette histoire du huis-clos familial.
C’est pour cela qu’il fait surgir la colère du roi Polixène lorsque celui-ci s’aperçoit que son fils et Perdita ne s’inscrivent pas dans une logique de vie dans leur façon d’envisager leur union, comme s’ils se contentaient du huis-clos romantique de leur amour. Il rappelle à son fils qu’il est l’héritier de la cour de Bohème et qu’il ne peut épouser une paysanne, et que celle-ci ne peut prétendre à un mari royal. Accéder à la royauté, ou la retrouver, semble une histoire de reconnaissance du vrai statut de la logique de la reproduction, qui, loin d’incarner de manière romantique le but de toute vie comme si on ne vivait que pour se reproduire, est au contraire au service de la vie. En ce sens, cette sorte de monarchie ne se situe pas au niveau des vies personnelles, les personnages royaux jouent sur une autre scène, y accomplissant ce qu’il faut pour que, du côté de la vie, il y ait toujours cette confrontation entre jeunes et anciens, entre transmission et choc de l’altérité.
Florizel croit que son héritage est son amour, qu’il se suffit à lui-même, que c’est une fin en soi, une bulle. Il ne veut alors pas hériter du statut royal de son père, et de ce qu’il signifie d’insertion dans une continuité humaine. Il ramène l’histoire d’amour à quelque chose de personnel, d’autosuffisant, de romantique, sans admettre que la pulsion sexuelle, si elle conduit à une belle histoire d’amour, loin de rabattre sur le huis-clos familial comme fin en soi, est là surtout pour assurer que la vie humaine ne se termine pas et que l’environnement humain reste infini et en renouvellement constant.
Certes, Florizel semble prêt à s’embarquer dans une vie repliée sur son amour, très romantiquement. Mais Camillo, témoin de cette folle résolution, propose à Florizel de s’enfuir avec Perdita jusqu’à la cour de Sicile, pour y présenter sa belle princesse. Car il voit qu’elle doit être princesse, qu’elle n’est pas là pour borner une vie rétrécie mais au contraire qu’elle est ouverture sur une sorte d’autre monde, une autre scène, qui n’est pas personnelle, une sorte de conte avec roi, reine, petit prince, petite princesse, une histoire commune à chaque humain, au commencement. Alors, le prince doit commencer à se présenter avec les manières d’un roi, venant visiter le roi de Sicile au nom de son père. « … vous le savez, la prospérité est le plus sûr lien de l’amour… ». Prospérité de la vie humaine infinie.
La pièce de théâtre de Shakespeare est en train de jouer un retour à la cour de Sicile, mais ce n’est pas une fermeture du cercle. C’est plutôt une spirale, avec ce pas du renouvellement générationnel qui empêche une fermeture. Là où, autrefois, il y avait un roi et sa reine, leur fils, et une fille sur le point de naître, il y a maintenant cette fille-là en train de revenir, future reine d’une autre cour, celle de Bohème, épouse du futur roi de Bohème. L’histoire se répète, le nouveau couple royal aura des héritiers, mais elle est passée à la génération d’après, et ainsi de suite. Le conte d’hiver ne raconte rien de la vie réelle des personnages sur terre tandis que par ailleurs chacun d’eux a assumé sa part de l’impératif de la continuité renouvelée de la vie. Ce n’est pas le sujet. Le conte d’hiver, par contre, nous présente des enfants, garçon, fille, qui ne restent pas sur l’autre scène comme prince et princesse de leur père roi et de leur mère reine, ce qui est très éloigné de la façon de considérer le statut des enfants aujourd’hui, mis au centre du cocon royal familial matriciel comme si la logique de vie s’était rabattue sur la logique de la reproduction, comme si on vivait pour se reproduire et que lorsque cela arrivait on n’avait plus rien d’autre à vivre. Lorsque la logique de la reproduction assure au contraire la logique de la vie, lorsque les humains sont environnés de la vie en train de se renouveler, ils peuvent vivre leur vie sur terre sans que la mort ne vienne tout assombrir, les autres si vivants et si dérangeants permettent à chacun de nous de se battre pour réinventer sa vie, sans que jamais rien ne reste pareil.
Le conte d’hiver de Shakespeare se termine bien en ce sens qu’il boucle l’histoire sur un retour au couple générique, fondateur, royal, qui va offrir des héritiers, mais c’est un couple de la génération d’après, tandis que le couple royal de départ qu’on croyait détruit s’avère intact, puisque la reine Hermione n’est pas vraiment morte. Le couple royal de départ, qui reconnaît en Perdita leur fille aux effets qu’elle avait sur elle lorsque le berger la trouva et qu’il avait conservés, fête plus le fait d’avoir une héritière que la réparation d’un huis-clos familial romantique. Ce couple fondateur incarne la joie de vivre qui triomphe de la mort puisque la vie a accompli un passage de générations exogamique. Et tous les personnages se retrouvent à la cour du roi de Sicile, y compris le roi de Bohème. C’est à la cour du roi de Bohème que le nouveau couple royal écrira à son tour le conte d’hiver.
Le roi Léontes se lamentait de ne pas avoir d’héritier, il pleurait sur ce tort qu’il s’était fait à lui-même, il est désormais dans la joie. L’oracle avait dit « que le roi Léontes n’aura point d’héritier qu’on n’ait retrouvé son enfant perdu. » Après le temps de latence, la fille au seuil du temps où la logique de la reproduction vient lui réclamer sa contribution au renouvellement des vies humaines se rapproche du couple parental, mais pas d’une manière oedipienne. C’est juste que comme le couple d’avant elle, d’où elle est issue, elle aussi au sein de son couple royal et dans une autre cour donnera des héritiers. Dans ce dispositif, il n’y a rien d’incestueux. Quant au roi Léontes, avant qu’il ne retrouve vivante Hermione, il affirme qu’il ne se remariera pas. Hermione, c’est la reine mère, et une fois qu’à leur génération le couple royal a fait des héritiers, c’est à la génération suivante qu’incombe cette œuvre. Le roi Léontes n’a pas à répéter la chose comme si le disque était rayé, la spirale aplatie en cercle. D’ailleurs, la reine Hermione ne réapparaît-elle pas justement au moment où sa fille, devenue à son tour la plus belle des femmes, revient à cette cour de Sicile originaire signifier que le passage de flambeau s’est effectué ? C’est la fille qui voit s’animer la statue de sa mère ! Perdita est retrouvée, la reine mère revient d’entre les morts. A nouveau, elle existe aux yeux de sa fille, par-delà le temps de latence, mais avec les traits qui accusent seize années de plus. La reine d’autrefois passe la main à sa fille, la reine d’aujourd’hui dans une autre cour que celle de sa mère. Une sorte d’identification entre la mère et la fille s’effectue, qui n’est pas concurrentielle ni incestueuse. D’une certaine manière, par ce pas générationnel, la femme qu’est Hermione reprend vit en voyant en sa fille la vie renouvelée, la vie infinie. « … versez toutes vos grâces sur la tête de ma fille ! » Hermione, pendant seize ans, s’était conservée parce que l’oracle avait dit qu’elle était en vie.
Le roi Léontes, avant même de savoir que c’est l’époux de sa fille, salue Florizel en disant : « Soyez le bienvenu ici, comme le printemps l’est sur la terre. »
Le retour à la cour de Sicile ne signifie pas une sorte d’endogamie, où la fille reviendrait s’encastrer dans le giron de papa maman afin de concevoir à son tour des héritiers. Le roi de Bohème interdit cela, il est déjà annoncé, il veut récupérer son fils parti avec la belle princesse. L’exogamie est très importante. La princesse n’est pas celle de ses parents, n’ayant pas coupé le cordon ombilical lorsqu’à son tour elle donne des héritiers. Au contraire, elle s’en ira dans une autre cour, effectuant un pas exogamique et générationnel.
Le roi a retrouvé son héritière, et celle-ci sera reine dans une autre cour, celle de Bohème. Le roi de Sicile et le roi de Bohème sont si joyeux, autour du nouveau couple royal, les héritiers de leurs royaumes.
La vie s’est infinitisée. Les personnages peuvent vivre. Mais la scène de leur vie n’est pas celle du théâtre, celle du conte d’hiver.
Quelle intelligence dans cette pièce de théâtre shakespearienne ! L’histoire se passe entre deux familles et leurs enfants, cependant elle est étonnamment dépourvue de toute connotation oedipienne et incestueuse. Au contraire, d’emblée s’organisent coupure de cordon ombilical et sentimental, et exogamie.
Alice Granger Guitard
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