dimanche 24 août 2014 par Meleze
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Dane Meur « Les vivants et les ombres »
Sabine Wespieser éditeur Paris 2007
Une saga familiale cache un secret : en Pologne, comme en Espagne au moment de l’inquisition , des Juifs se sont convertis au christianisme. Cette conversion fait l’objet d’un affrontement entre père et fille. Le père n’a pas survécu à la révélation de son origine.
L’histoire est racontée par la maison qui voit passer les générations. Ce que la maison a à dire de plus scandaleux est l’amour entre la maîtresse de maison et le précepteur qu’elle a embauché pour ses filles.
La France est toujours présente dans cette saga. La famille emploie une femme de compagnie originaire de Nantes pendant presque 40 ans. Cette partie de la Pologne d’occupation autrichienne voit de nombreux nobles émigrer en France dont le propre frère du héros. Cependant, cette émigration n’apportera rien à la famille. Le mariage entre les cousins germains ne se fera pas. Le jeune Polonais né en France mourra sur le bord du chemin après l’insurrection de Cracovie, ce qui crée dans le livre de faux espoirs, un faux apogée qui tend à le rendre ennuyeux.
De cette histoire familiale ne sort rien. On a du mal à finir le bouquin. Il n’y a pas de connexion pour relier le 19° au 20°siècle alors que l’on sait que c’est la région de Pologne où les Juifs ont été les plus détruits.
Le héros, Joseph répudie une de ses filles qui a épousé un Juif, mais en dehors de cette exception, il vit en bonne entente avec son personnel de service et ses fournisseurs qui pourtant sont d’origine juive.
Un côté qui aurait pu être prometteur est la distinction faite entre Polonais et Ruthène, mais en dehors de quelques anecdotes citées par l’écrivain, ça n’apporte pas d’éclaircissements sur les massacres qui auront lieu ultérieurement entre Polonais, Allemands et Ukrainiens.
Robert Littell « L’hirondelle avant l’orage »
Simon & Schuster New York 2009
Ce livre aussi est un demi-échec. Littell contrairement à ce qui a été décrit par la presse peine à faire revivre le poète russe Ossip Mandelstam. Est-ce que ça vient d’une mauvaise appréhension de son sujet ? Mandelstam est constamment raconté par sa femme qui est tout autant que lui le héros du livre et qui va lui survivre près de 30 ans, où est-ce que cela vient de l’occasion que saisit Littell dans cette histoire pour recréer deux entretiens entre Staline et le poète ?
Ces entretiens sont intéressants, car ils sont pleins de détails biographiques concernant Staline qui permettent de s’imaginer le dictateur en train de conduire sa politique de terreur, mais ils comprennent une dimension théorique de l’influence de la poésie sur la politique qui n’est pas parfaitement maîtrisée par Robert Littell. Littell s’appuie sur l’histoire du tsarisme et aussi sur la vie de Voltaire qui en tant que conseiller des dictateurs a pu tenir tête à Frédéric II de Prusse et à Louis XV. Les poèmes cités de Mandelstam ne sont pas fameux. Ils n’auraient pu ni faire la gloire de Staline ni la défaire alors on ne sait pas vraiment pourquoi le romancier s’efforce de les faire se rencontrer et s’affronter. Le livre de Littell ne consacre pas la grandeur de la poésie de Mandelstam et c’est ce qui manque dans son architecture. Mais c’est peut-être imputable à la traduction des poèmes ?
Joel Dicker « La vérité sur l’affaire Harry Québert »
Éditions de Fallois/L’âge d’homme Paris 2012
C’est un livre que l’on peut lire pour se distraire, mais c’est aussi un livre sur lequel la critique a menti pour en vendre le plus d’exemplaires possible sans jamais dire la vérité au lecteur. Or la vérité de ce livre, c’est l’affaire Monica Lewinski. L’Amérique est assimilée au sexe et l’enquête qu’on suit retrace la vie d’une fille qui passe son temps à satisfaire ses amants.
En dehors de cela, il y a un énorme remplissage consacré à la pseudo crise de l’écrivain devant la page blanche. L’accusé est un écrivain considéré comme coupable. Mais L’enquête est menée par un autre écrivain dont le manuscrit transmis à la presse avant publication transforme le coupable en victime. Ainsi, beaucoup de pages sont consacrées à la relation de l’écrivain et de l’éditeur, à la relation de l’écrivain avec l’université ainsi qu’avec le système de formation des écrivains pratiqué par les universités américaines, ce qui renvoie à Tom Wolf à Philip Roth ou à John Irving. Les écrivains savent monter une intrigue, mais ont une histoire personnelle si pauvre si piteusement formée d’incidents infimes avec leurs parents ou leur petit(es) ami(es) qu’ils n’ont pas d’étoffe personnelle qui leur permette de prendre de la hauteur par rapport au sujet. Les dialogues entre l’écrivain formateur et l’écrivain formé en deviennent interminables. L’autorité du formateur emprisonné pour une relation avec une gamine de 15 ans est fortement discutable. La vérité sur l’affaire Harry Québert est finalement que ce dernier n’a jamais écrit le livre pour lequel il est devenu célèbre. Ainsi, on ne trouve de satisfaction que dans l’exercice de critique littéraire finale nous invitant à nous demander s’il y a des traces dans un style pris au hasard qui pourrait montrer que l’auteur qu’on lui reconnaît est bien le véritable auteur. Après avoir approfondi la démocratie américaine en passant de Monica Lewinski qui provoqua la chute de Clinton à Nella Kellergan, l’héroïne de M. Dicker, censée profiter à la candidature d’Obama, est-ce qu’on aura appris à distinguer un vrai d’un faux manuscrit ?
Peter Schlink « le retour »
Éditions Gallimard Paris 2007
Ce livre à son tour est un peu décevant. Le romancier nous présente un héros qui n’a pas de volonté. C’est un velléitaire qui revient tout au long de sa vie sur la même obsession sans prendre jamais la décision de lui tordre le cou. On dira sans doute que c’est le charme de Schlinck que de baigner son personnage dans une nostalgie qui est de temps en temps le moteur de ses velléités et que c’est le moment où le style atteint sa perfection. Il n’empêche qu’on s’ennuie. Depuis qu’on a fait sa connaissance, le héros est célibataire. On se dit que la première rencontre sera la bonne. Mais c’est faux, il y en a une 2° puis une 3°. Pourquoi continuerait-on à s’intéresser à des relations aussi éphémères.
Les thèmes de la nostalgie « Senhsucht » et du retour « Heimkehr » sont très attendus des Allemands, ce qui donne au livre un côté un peu démagogique. Par ailleurs, le retour dans la patrie le plus célébré de l’histoire de la littérature est celui d’Ulysse dans l’Odyssée. Et, bien entendu, le héros de Schlinck en est totalement imprégné. L’Odyssée est son livre de chevet. Les différentes étapes de cette recherche de bric et de broc sont les étapes d’Ulysse sur la route d’Ithaque. J’ai trouvé dommage que Schlinck obéisse à cette référence grecque plutôt qu’à son interprète le philosophe Heidegger pour lequel le retour signifie aussi la réunification de l’Allemagne. Il aurait été plus intéressant d’aller aux sources allemandes du communisme comme le fait l’Allemand Magnus Enzensberger au sujet du général Hammerstein plutôt que de s’imaginer la réunification comme la grandeur retrouvée d’une Allemagne qui a bien changé et ne veut plus rien du système nazi qui l’a divisé. Beaucoup de réponses au retour de l’extrême droite sur la scène politique en Allemagne seraient trouvées si les idées exprimées dans le « retour » n’étaient pas maniées avec tant de négligence.
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1) Selon le fameux auteur hongrois compagnon de route du parti communiste allemand, Arthur Koestler : toutes les forces vives du communisme allemand ont été assassinées au cours de la période du stalinisme pour ne donner à l’Allemagne de l’Est que des robots. Au contraire, le thème du retour permet de voir revenir au pays les vrais héros qui lui ont manqué. Il donne donc à L’Allemagne les moyens d’arbitrer entre l’Ukraine et la Russie et plus encore entre la Russie et la Chine. Peut-être que ce sera le sujet du prochain roman de célèbre l’auteur du "retour" dont le premier roman "le liseur" avait été un best-seller.
2) À bien des égards la théorie des régimes totalitaires de Hannah Arendt a vieilli parce que les sources de conditionnement de la personnalité ne sont plus les mêmes au 21° qu’au 20° siècle. On s’en rend compte à la fin du livre de Schlink au travers d’un passage qui lie entre eux de façon inattendue « le retour » que nous commentons et les livres de Littell, « l’hirondelle avant l’orage » . Car Schlink par l’intermédiaire de son héros pose des questions qui peuvent éclairer, si on se donne le mal de se représenter les personnages, l’entreprise de Littell de faire se rencontrer de façon romanesque Staline et Mendelstam. Il faut aller tout au bout du livre « le retour » à la page 316 lorsque le héros Debauer croit avoir retrouvé son père à New York sous le faux nom de De Baur et qu’il l’affronte, pour lire :
« Les grands mensonges que propageaient les régimes totalitaires est-ce contre les faits qu’ils ont échoués ? Ces régimes auraient-ils dû aller plus loin dans la destruction des preuves, l’assassinat des témoins, la falsification des documents ? Non, ils ont échoué contre la pensée. Nous refusons de penser tout ce qu’on prétend nous faire penser et aussi ce que les faits veulent nous faire penser. »
On croirait Littell en train de lire Schlink, en 2007, avant d’entreprendre son « hirondelle », en 2009 et de choisir ce passage pour faire de Mendelstam le héros de la pensée contre le totalitarisme qui a décidé de la grande terreur. Mendelstam est « celui qui ne veut pas penser ce qu’on veut lui faire penser... Reste pour vous à décider si cela suffit pour animer son personnage romanesque ou bien si la tentative est partiellement ratée. On remarquera en effet que bien que Schlink parvienne à exposer les sources du conditionnement humain avec beaucoup de hauteur, ces dernières ont tellement évolué du 20° au 21°eme siècle que lui et Littell deviennent superficiels.
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