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L’atelier des poisons - Sylvie Gibert

Quand beaux-arts et polar font bon ménage !

vendredi 20 mai 2016 par Henri-Charles Dahlem

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« Ce roman a pris sa source devant un très beau pastel d’Amélie Beaury-Saurel, Dans le bleu, une donation faite au musée des Augustins à Toulouse. Le présence forte du modèle m’a inspiré Zélie Murineau. » explique Sylvie Gibert dans sa postface qui lève également le voile sur quelques uns des autres personnages de ce beau roman, dont les compagnes de Zélie au sein de l’atelier des femmes de l’académie Julian – qui ont vraiment existé –, à commencer par Amélie Beaury-Saurel qui finira par épouser son maître : Rodolphe Julian, ainsi que Marie Bashkirtseff, Sophie Schaeppi ou Louise Catherine Breslau, l’amie d’Edgar Degas.

L’héroïne du livre est la donc la jeune Zélie, bien décidée à vivre de sa peinture à un moment où les femmes n’étaient pour ainsi dire pas acceptées dans le cercle restreint des « grands maîtres », représentants d’une peinture académique très classique. Mais nous sommes en 1880, au moment où la société commence à bouger, où le progrès va se mêler aux idées émancipatrices, où les premiers impressionnistes se font huer.

La jeune femme réalise quelques esquisses dans le Jardin des Tuileries lorsqu’elle croise le regard d’un jeune homme. Il s’agit du commissaire Alexandre d’Arbourg, amateur d’art à ses heures perdues. Il s’est longtemps demandé « ce qui faisait la différence entre les peintres amateurs et les grands maîtres » sans trouver de réponse, sinon que les grands maîtres, comme Zélie, possèdent un sens de l’observation absolument extraordinaire : « Cette étonnante perspicacité du regard ne serait-elle pas une partie du secret des grands maîtres de la peinture ? »

C’est cette qualité qu’il va mettre à son service, la jeune fille parvenant à lui décrire de façon détaillée les voleurs qui sévissent dans le parc. Une amitié naît, même si elle inquiète dans un premier temps la jeune artiste qui, pour payer son loyer, n’a pas hésité à reproduire une œuvre de Vélasquez et à la vendre à un brocanteur.

Zélie s’est crue découverte, puis elle comprend qu’Alexandre aimait s’amuser. « Il maniait l’ironie avec une véritable délectation… » Si bien qu’elle accepte son offre de réaliser le portrait de sa filleule Juliette, mais en posant ses conditions. Elle veut que le commissaire l’aide à retrouver l’enfant de la nourrice dont elle réalise le portrait et qui a disparu durant le trajet qui devait le ramener dans sa famille.

Alors qu’Alexandre commence son enquête, Zélie sa charge d’un autre mandat. En se rendant au domicile de Juliette, elle est chargée d’observer ce qui s’y passe, car le maître de maison, banquier de son état, a été victime d’une tentative d’empoisonnement. Entre Henriette, la maîtresse de maison qui s’occupe de sa fille unique « comme on traite un bibelot dont la vue dérange, mais dont il est imposible de se débarrasser parce qu’on vous l’a offert. » Léon, le fils d’un premier mariage qui est amoureux de la nouvelle épouse de son père et la bonne qui a su consoler le banquier durant son veuvage, elle a l’embarras du choix…

Habilement construit, le roman va alors nous entraîner d’une part dans les bas-fonds de la capitale et sur la route de quelques malfrats bien peu recommandables et d’autre part au sein du milieu artistique jusqu’au salon du Palais de l’industrie. En passant, on croisera Alphonse Allais, Edgar Degas et quelques autres artistes dont la renommée est loin d’être acquise à l’époque. Sylvie Gibert joue avec beaucoup de finesse sur les deux tableaux, si je puis dire, et sait distiller les indices qui tiendront le lecteur en haleine. Zélie va-t-elle tomber amoureuse d’Alexandre ? Pourquoi ce dernier, qui a découvert le subterfuge du faux Vélasquez, déclare-t-il à sa protégée : « Il se trouve que pour une raison dont je préfère garder le secret, je ne chercherai jamais à vous nuire… Jamais ! Vous en avez ma parole. » ?

Nous voilà entraînés dans un roman aux registres variés dont la partie policière rappelle, sur bien des aspects, les enquêtes de Nicolas le Floch de Jean-François Parot. Peut-être même aurons nous droit prochainement à un nouvel épisode des aventures de Zélie et Alexandre ? Gageons que ce sera le vœu le plus cher de la plupart des lecteurs de ce passionnant périple dans le Paris de la fin du XIXe siècle.

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