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Alma, J.M.G.Le Clézio, Alma

Editions Gallimard, 2017

mardi 31 octobre 2017 par Alice Granger

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Le narrateur de ce roman de J.M.G. Le Clézio, Jérémie Felsen, dit en se préparant à quitter l’île Maurice que « l’avenir pour moi n’existe pas, il est insensé, une tache aveugle au fond de mes yeux » ! Quelle vérité, trouvée lors de ce voyage sur l’île où son père était né, où ses ancêtres avaient été colons, a-t-elle fait surgir cette phrase ? Le silence du père pendant l’enfance recouvrait-il quelque chose d’inavouable, un passé lourd, un crime impardonnable, tout cela occulté par une nostalgie inguérissable pour une terre de l’origine mythique donnant dans l’exil l’impression d’être de nulle part, d’être en errance pour mieux lui être fidèle, peut-être pour réparer les dégâts perpétrés par les ancêtres, les crimes contre les premiers habitants et les esclaves ?

Le voyage de Jérémie Felsen, que raconte « L’Alma », par-delà le retour vers cette terre natale paradisiaque, qui fut commune à la fois à la lignée paternelle et à la lignée maternelle de l’auteur, buta-t-il sur la découverte du lieu le plus sombre de l’histoire des Blancs et donc aussi familiale, cette prison pour esclaves où Jérémie semble encore entendre les plaintes des prisonniers ? Peut-on, en effet, revenir d’un tel voyage en laissant tout derrière, et aller vers l’avenir le cœur léger ? La errance, l’éternelle migrance, qui est aussi celle de Le Clézio, ne prennent-elles pas un autre sens que celui de la quête, plus ou moins romantique, d’une terre de l’origine innocente, préservée, réparée, étudiée, remise en mémoire, cœur de la forêt gardé par les femmes se baignant dans un lac pur, loin de cette image des premiers colons surprenant du haut d’une falaise des femmes noires très désirables en train de laver leur linge dans la gorge d’une rivière et qu’ils violèrent ? L’errance de l’auteur semble alors osciller entre la vision très pure, très romantique, d’une terre de l’origine préservée, qui reste identique à travers les temps et les lieux parce que gardée par des femmes qui ne quittent plus le cœur de la forêt et se baignent dans une eau qui semble amniotique, et l’impossible réparation du cataclysme et du massacre perpétrés par les crimes des hommes avides et peut-être, paradoxalement, habités d’un même désir d’une terre paradisiaque, mais qu’ils entendirent prendre de force, coloniser, cette violence indicible ? Ce nœud de l’innocence et du crime ne se ferait-il pas par cette fixation fantasmatique à cette colonisation spéciale qu’est celle de l’embryon et du fœtus dans la matrice en fonction, qui est aussi une sorte d’île ? La flottaison de l’errance, le sentiment d’être de nulle part, ne pourraient-ils pas prendre sens par cette métaphore spéciale ? Il est question à un moment du roman d’un garçon, Ashok, un garçon qui s’échappe dans les bois, et à seize ans découvre des femmes se baignant dans un lac. Symbolique très romantique autour du féminin ! « … elles parlaient et chantaient dans leur langue très douce et claire, elles riaient, sans se soucier de ma présence ». Il faut absolument situer un lieu, au cœur de la forêt, qui est idyllique, et sauvegardé par des femmes à la langue douce… Des fées ! Contrepoids à la violence criminelle des hommes et au changement du monde ? Echo au refus du sevrage, du déracinement originaire qu’est toute naissance ? Et aussi : Tonio emmène Jérémie voir ce que ne voient jamais les touristes, son « coin de paradis perdu », son secret. Près d’un cimetière aux noms qui s’effacent, il y a une falaise qui domine une gorge. Au fond de cette gorge, « dans la rivière, à cet endroit éclairé par une trouée dans la verdure, quelques femmes sont dans l’eau jusqu’à la taille, elles lavent le linge… j’entends leurs voix claires, leurs rires… C’est une scène extraordinaire, ici dans la touffeur de la forêt, il me semble que nous sommes revenus trois cents ans en arrière, deux colons blancs en train d’épier des femmes noires, pour voler à nouveau leurs corps, pour jouir d’une vie sauvage qui n’existe plus. » Cette vérité violente, tout sauf de l’innocence devant une sorte d’idéal féminin, explose aux yeux des espions… L’avidité des colons se fait, là, sexuelle, tandis qu’ailleurs elle s’emparait de terres, puis bien des années plus tard elle spéculera sur de nouvelles affaires, le tourisme, le sexe… On dirait aussi des fœtus en train de se préparer à pénétrer avec violence dans l’utérus noir, et jouir d’une vie sauvage qui, lorsqu’on est né, n’existe plus, mais qui, pour eux, dans le fantasme, est éternelle ?

Et aujourd’hui, ce désir de colons d’un genre nouveau ne perdure-t-il pas ? Jérémie Felsen, arrivé sur la terre natale de son père, serre contre son visage la pierre ronde du dodo que son père gardait dans son bureau, qui était la pierre de gésier d’un gros oiseau presque sans ailes, premier habitant de l’île avant l’arrivée des humains, que ceux-ci décimèrent. Lui, comment sur cette même île peut-il rester innocent du crime contre l’habitant originaire de l’île, comment peut-il résister au désir de l’en déraciner pour prendre sa place ? En évitant soigneusement de s’enraciner quelque part, de faire accoster son navire sur une côte définitive et y construire son avenir ? « Quelque chose de très ancien entre en moi par la peau du visage, par les paupières fermées, quelque chose qui me nourrit et circule dans mon sang, me donne mon nom, mon lieu de naissance, mon passé, une vérité… » Très vite après son arrivée, il remarque Krystal… Prénom qu’une très jeune créole se donne pour se prostituer, qui évoque la pureté adolescente du cristal… Incarne-t-elle le dodo d’aujourd’hui, qui n’a pas encore d’ailes pour voler mais un joli corps gardant encore les rondeurs de l’enfance, que les prédateurs sexuels occidentaux déciment par leur perversion et le goût de l’argent facile qu’ils donnent à ces filles encore enfant ? Il l’espionne de sa fenêtre lorsqu’elle est avec son vieux pilote de ligne, elle sait qu’il l’espionne. « Elle sait que je suis là, à la regarder. Elle se dandine un peu, elle se déhanche dans une pose d’enfant, puis elle se retourne et devient adulte, en se mettant du rouge à lèvres… Je sens les gouttes de sueur qui coulent dans mon dos, sur mon front… J’ai senti de la colère… lui qui se cache à dix mille kilomètres de sa famille pour mettre ses mains sur le corps d’une fille de seize ans, lui, un pédophile honteux… » Plus loin dans le roman, Jérémie Felsen suit l’adolescente Krystal, attaché à elle par un fil invisible, tandis qu’un vieux beau et d’autres hommes partent dans son sillage. L’adolescente Krystal, qui se prostitue avec insolence mais déjoue les velléités protectrices de Jérémie Felsen, qui se veut pur mais n’est pas intact de désir et a en tout cas lui aussi le profil de l’Occidental prédateur, tranche avec la jeune femme créole Aditi, qui elle incarne la fidélité à une pureté originaire, à laquelle tiennent farouchement le narrateur comme l’auteur comme si c’était l’ultime chance d’une réparation à posteriori sans avoir jamais à se sevrer du fantasme de l’origine jamais quittée. « Toi, Aditi, tu es libre…. Aditi pense que c’est vraiment ça, libre comme un vêtement sans corps, qui prend sa forme et flotte au vent comme une manche. Aujourd’hui, au sixième mois, Aditi va chercher l’eau qui baignera son enfant… Elle l’offrira au soleil levant, ensuite elle le lavera dans l’eau pure. La nuit, l’air de la forêt soufflera sur son corps, le parfumera de l’odeur des feuilles et de la sève ». Scène mythique de la mère qui sauve la fille à laquelle elle donnera naissance en la maintenant dans une eau virginale, en la formatant à une image très romantique de la femme ! Une naissance à laquelle a été effacé le sens de déracinement originaire, pour y mettre à la place la pureté idyllique… Et pourtant, une naissance est un déracinement, un traumatisme ! Aditi se moque pourtant de Jérémie, l’appelle « Le justicier » avec une légère ironie… Mais, comme une création du romantisme du narrateur, elle s’accroche à la pureté originaire ! « C’est un monde parfait », pense-t-elle. Elle rentre dans l’eau comme pour un rendez-vous d’amour, et va accoucher là, seule. On reste dans une métaphore amniotique. Et une image très romantique. Mais dont la fonction est peut-être d’ériger un rempart contre l’intenable vérité, ce crime perpétré au nom de la recherche colonisatrice de la terre paradisiaque ! La réparation consiste bien sûr à continuer éternellement à aller à la recherche de cette terre de l’origine, mais de ne s’enraciner nulle part, pour ne pas commettre soi-même le crime, pour en rester innocent en ne cédant cependant pas à son désir de ne jamais couper le cordon ombilical !

Aditi lui raconte aussi que lorsque la famille Felsen a débarqué sur l’île avec sa famille, « la forêt couvre les neuf dixièmes de l’île. En 1860, quand les Felsen participent à l’ère industrielle, dans les plantations de tabac (tout le monde n’est pas sucrier), il reste encore quelques poches de forêt endémique… Les dodos étaient partout… » Elle l’emmène dans la forêt, « J’essaie d’imaginer les dodos ici, dans ce fouillis végétal… » Il confie à la jeune femme : « je suis ici pour écouter la nuit au centre de l’île ». Au centre du ventre, c’est aussi la nuit pour le fœtus… « Ils sont nés sous ces mêmes étoiles, les gros oiseaux à la pupille agrandie… » Entendant la rumeur de la mer, il pense aux navires qui jetèrent sur la côte des esclaves arrachés à leur terre et déportés ici. Maintenant, ils ne sont plus qu’une poignée, réfugiés dans la forêt.

Jérémie Felsen revient donc à l’île Maurice où était né son père, où à partir du XVIIIe siècle ses ancêtres partis de France faisaient partie des colons cultivant et exploitant dans leur usine la canne à sucre. Ils étaient installés à Alma, vrai paradis, inoubliable terre de l’origine. Jérémie retrouve l’usine, ou plutôt ses ruines ! Briques grises, toits effondrés, centrifugeuses de guingois, poussière, rouille. « Je reste devant les machineries géantes de la sucrerie, au milieu des ruines. » Les ruines attestent que cela a existé, que son père a connu ça. Un temps heureux, plein, riche, aristocratique, prospérité des colons ! Il semble au fils entendre les ouvriers, de sentir le parfum du sucre, il se confond presque avec son père. Mais un projet de parc d’attraction surplombe ces ruines, et donc elles seront rasées, là aussi l’effacement. Mais peut-on retenir le passé immobile ? Peut-on retenir la main de l’avidité des hommes, qui veulent toujours s’enraciner là où ils pensent pouvoir atteindre une nouvelle prospérité ? Car quelle différence entre l’avidité des premiers colons, qui cultivèrent la canne à sucre ou le café, et connurent une prospérité inespérée en Europe, et cette nouvelle avidité centrée sur un parc d’attractions pour touristes, dans les deux cas une destruction de ce qui était là avant devant être mise en acte ?

Le père de Jérémie s’était exilé en Europe, comme faisant le chemin inverse de ses ancêtres, à l’âge de 17 ans donc emportant avec lui une mémoire contemporaine de l’adolescence, une sorte de catastrophe économique ayant ruiné cette terre natale idyllique, terre qu’une avidité nouvelle entendait vouer à une activité plus lucrative. Jérémie rencontre à l’île Maurice Surcouve, sa mère (qui a donc un roman familial commun avec son mari, ce qui tisse autour d’eux une mémoire consanguine) lui avait parlé d’elle, femme excentrique de « cette petite communauté de Franco-Mauriciens qui compte un nombre respectable de loufoques et de foucas. » Elle qui devrait être la mémoire du passé part dans un délire familier, « la création d’un lotissement de luxe à l’Harmonie… Ils n’ont pas honte ! Ils vont tout détruire ! » Chez elle, ça sent la vieille femme, elle dit qu’elle descendrait d’un marin de St Malo, bon mari mais un sacré salaud, trafiquant d’esclaves… la belle maison qu’il avait fait construire avec sa fortune… il a une tombe magnifique… » Elle, elle n’a pas le sou. Puis elle évoque son enfance ici, alors qu’il n’y avait encore personne, juste quelques cases de pêcheurs, sans électricité ni eau courante, elle allait visiter ses tantes riches, de l’autre côté, où c’était chic… Le lieu s’appelle maintenant l’Harmonie, deux enfants s’inquiètent, ils croient que Jérémie est un promoteur qui veut acheter la petite maison de la vieille dame. Finalement, c’est encore la colonisation qui continue, en changeant juste de projet. Elle dit : « Vous voyez ce beau pays, ce coin de paradis… ceux qui arrivaient ici par la mer voyaient tout ceci en premier, la ligne des montagnes dessinées par les fées, ou par les démons ? » Par le récit de la vieille dame, Jérémie revoit ce que ses ancêtres ont vu en arrivant ici. Mais celle-ci ne lui épargne pas l’envers du décor de la colonisation, « Sur cette plage, ces corps rejetés par les vagues », ici les gens qui viennent de partout, en vacances à l’Harmonie, restant loin du peuple mauricien, se sentent entre eux, mais chaque soir, la vieille dame entend « les morts, les pleurs des enfants, les coups de fouet, les injures des gardiens, les aboiements des chiens. »

En tout cas, nous entendons dans les pas du narrateur sur l’île Maurice ce qu’occulte la nostalgie silencieuse de son père dont il fut témoin pendant toute son enfance, apparemment la blessure inguérissable d’un sentiment d’injustice et le refus tenace, muet, de cette sorte de coupure de cordon ombilical, mais derrière se dévoile un sens bien plus brutal, bien plus ambigu, bien plus inavouable ! Puis Jérémie retrouve une autre mémoire, Emmeline, qui a connu son père pendant son enfance. Elle n’a pas d’argent parce qu’elle a coupé les ponts avec ceux d’en haut, les Armando, les Robinet de Bosse, les Escalier, ceux d’Alma. Jérémie lui confie : « Mon père ne parlait jamais du temps d’Alma ». Elle raconte alors, comme pour combler le silence paternel, qu’avec son père ils couraient dans « les champs de cannes à sucre pendant des heures, comme des enfants sauvages… Au temps de la coupe, nous faisions les fous, nous courions partout, c’était l’odeur de la canne mûre, ça sent un parfum qui fait tourner la tête aux enfants, alors les enfants étaient ivres… vers l’eau, il faisait si chaud que nous entrions dans l’eau noire sans souci pour nos habits… » Jérémie boit ses paroles, entend la face si sensuelle de l’enfance de son père, il suçait les cannes avec Emmeline, ils n’avaient jamais rien mangé d’aussi bon… Etait-ce pour lui une inoubliable joie consanguine ? Elle continue : « Votre maison était plus jolie que la nôtre, c’est là que ton père est né, plein de fleurs partout, des rosiers, et une allée de palmistes, un petit bassin, je vous enviais, j’aurais voulu habiter là, mais nous, nous étions à côté de l’usine, pas de jardin, pas d’arbres… » Jérémie se rend compte qu’elle invente peut-être, en tout cas, c’est quand même la fresque d’un temps idyllique connu par son père enfant, avant qu’adolescent il ne s’exile… Nous nous rendons compte que ce que le père garde, en partant aussi jeune, c’est une expérience adolescente de l’île, saccagée nette et donc auréolée, d’où peut-être cette sorte de romantisme pour la terre de l’origine, transmise au fils ! Sans oublier les éclosions sensuelles et foncièrement consanguines avec des adolescentes de la même famille ou en tout appartenant à l’entre soi des Blancs fortunés. « Tu vois, Jérémie, quand ton père est parti d’ici, j’ai eu l’impression que mon petit frère s’en allait, il a promis de m’écrire, mais une fois en France, il a tout oublié… » Ensuite, elle a connu, avec son mari, la ruine. Sa maison est vide. Elle continue : « Nous les filles, nous rêvions d’aller en Europe, surtout à Paris, mais ça restait un rêve à moins d’épouser un officier de marine ou un bourgeois parisien… Nous habitions Alma, mais nous n’avions rien à voir avec la sucrerie, les affaires, Papa n’avait hérité de rien, tout est allé aux autres… enfin tu sais déjà tout ça, tu connais leurs noms… nous, nous habitions là par charité, c’est ce que le vieux pirate Armando avait décrété… De votre côté, ton papa et tes grands-parents, vous habitiez un joli coin… et bien sûr les Armando guignaient tout ça, ils en voulaient bien, alors quand l’usine a fait faillite, ils ont fait valoir que vous n’aviez plus de titre… qu’ils allaient récupérer tout pour installer la maison des administrateurs… alors vous n’avez plus eu qu’à partir, c’est pour ça que ton père s’est engagé dans l’armée… ils ne voulaient pas assister à la déconfiture ». Elle dit qu’il n’y a plus de Felsen à Maurice. « Les aristos, à Maurice, on n’a pas eu besoin de leur couper la tête, on n’a pas eu à les pendre à la lanterne ! Ils s’en sont chargés eux-mêmes ! Les rois sont devenus fainéants, ils prêtent leur nom à des fabricants de voitures, à des horlogers, à des marchands de biens ! Ils ont tout vendu, ils ont laissé raser leurs maisons pour construire des boutiques et des restaurants. La seule chose qu’ils ont conservée, ceux qui ont été malins, c’est leur fortune, et ils l’ont mise à l’abri en Suisse. » La pureté, l’innocence, la compassion, la colère peuvent-elles faire rempart contre cette vérité de la colonisation, qui se poursuit autrement tandis que le monde change inéluctablement d’avidité ? L’errance peut-elle refouler cela ? Recherche d’une terre de l’origine idyllique, gardée par une femme du cœur de la forêt ? Mais la vérité est autre ! Le crime colonisateur est l’envers du désir de rester ou de retrouver la terre de l’origine, matricielle, désir d’inverser la naissance !

Cette vérité parle aussi par la bouche de Dodo le clochard ! Nous sommes frappés par le fait que ce roman de Le Clézio, « Alma », se compose de deux textes qui avancent simultanément. Il y a celui où le narrateur raconte son retour dans l’île natale mauricienne de son père, et il y a celui où parle Dodo, dans lequel perle sans cesse la langue créole que l’auteur sait merveilleusement bien écrire. De son vrai nom Dominique Felsen, donc descendant de colons lui aussi, il raconte son histoire, tragique, et il nous fait ainsi revivre des personnages du passé. La mère chanteuse, très belle, mais créole originaire de la Réunion ( « les gens méchants qui veulent qu’elle parte parce qu’elle est créole… avec beaucoup de cheveux frisés ») avec laquelle son père était revenu à l’île Maurice, meurt très tôt, et le petit garçon orphelin est nourri et élevé par Artémisia, une esclave qui a déjà été « la nénéne des Laros, des Fe’sen, esclave disent-ils… noire noire, sans rides, elle n’a jamais eu de ligne de vie ni de ligne de cœur, toutes ces lignes que les petites filles ont dans leurs mains », qui est comme sa mère et ne l’abandonnera jamais. Il avait été initié au piano par sa grand-mère Beth, il jouait extrêmement bien, son avenir semblait grand ouvert. Et puis il a attrapé la lèpre avec une prostituée, Zobeide, il a négligé de se faire soigner, et la maladie a rongé son nez, ses lèvres, ses paupières, a noirci son visage, a fait tomber ses cheveux, a raidi ses doigts de pianiste. C’était fini ! Un médecin a dans un dossier désigné par un Sigma le nom de cette maladie. Tandis que son père meurt à son tour, Jérémie surnommé Dodo devient un clochard, dont tout le monde se moque et qu’on fuit. Il va souvent sur la tombe de ses parents, il s’y couche, et surtout réécrit sans cesse leurs noms à la craie, que la pluie efface, il n’a pas d’argent pour payer de la peinture au gardien du cimetière, ce serait la seule solution pour que les noms tiennent, il se bat contre l’effacement de la mémoire des siens, jusqu’à ce qu’ils les abandonnent à l’oubli en partant pour la France, c’est-à-dire pour son « dodo » définitif, corps mort rendu au pays de départ de ses ancêtres colons. Le récit de Dodo est contemporain du temps où les Armando, après avoir signé la fin de la vie des Felsen autour de la canne à sucre et de leur fabrique, à Alma, pour y développer à la place le tourisme, détruisent la maison d’Artémisia au bulldozer, alors qu’elle avait longtemps résisté ! Dodo dit : « Les gens d’Alma, les Armando, ils ne croient pas à cette histoire, que je suis né ici. Ils sont méchants, un jour ils envoient un bulldozers pendant qu’Artémisia est avec Honorine au marché Saint-Pierre. Les bulldozers écrasent la petite maison avec tout ce qu’il y a dedans. Quand Artémisia revient avec Honorine, elles poussent des cris, elles pleurent, mais il ne reste plus rien ».

La tache aveugle évoquée par Jérémie se préparant à partir de l’île Maurice serait-elle une sorte de lèpre de douleur et de culpabilité, comme celle qui dans le roman a mangé le visage et les mains de Dodo, qui est lui-aussi un descendant de cette famille, les Felsen, mais d’une branche dont l’allusion à ce qui l’a déchue est très brève ? L’histoire d’une mésalliance, qui apparaît dans le récit de Dodo à propos de ses parents ! Le père de Dodo, de son vrai nom Dominique mais plus personne ne s’en souvient, est un Felsen qui est revenu de l’île de la Réunion marié à une jolie chanteuse réunionnaise mais créole, donc introduisant une exogamie honteuse par rapport à l’endogamie blanche, mais introduisant l’idée du mariage mixte avec la population originaire d’une île colonisée et non pas de la réduire à l’esclavage ni de l’exterminer par la maltraitance et l’humiliation. A l’endogamie en quelque sorte aristocratique de ces descendants de colons venus d’Europe, ne tolérant aucune mésalliance s’oppose une sorte de reliance à l’état originaire de la terre paradisiaque préservée intacte par mariage avec la femme qui est là depuis toujours, une créole, une sorte de gardienne, comme plus loin dans le roman, Aditi est celle du cœur de la forêt, où elle accouche seule de sa fille qui, on l’imagine, perpétuera cette préservation. Idée que c’est une femme, mais originaire, qui garde la terre de l’origine intacte, et le mariage vaut cordon ombilical. Mais dans le contexte de la colonie, le seul cordon ombilical qui vaut est endogamique, pas de mariage mixte, que de l’entre soi ! Reste Dodo, atteint de lèpre, comme une métaphore du rejet, de la défiguration, de la perte d’un statut aristocratique de colons bien implantés, qui s’éternise sur la tombe de ses parents, dont les noms tracés à la craie s’effacent tout le temps.

L’auteur, comme dans un geste de réparation, fait longuement parler ce lépreux défiguré, devenu clochard à l’île Maurice, qui a lui aussi à cause de sa maladie perdu son avenir comme brillant pianiste. Cette lèpre à ciel ouvert, écrite brillamment dans une langue créole par Le Clézio, dit-elle la lèpre familiale invisible que le fils Jérémie a senti dans son enfance ? La perte de la terre de l’origine lorsque son père est contraint de s’exiler (à l’envers par rapport à ses ancêtres, comme perdant la face en revenant en Europe, rongé par la sensation inacceptable de l’échec, de n’avoir pas su tenir bon) mais surtout ce que cela couvre comme culpabilité liée à la brutalité criminelle de la colonisation est-elle cette maladie attrapée et qui ronge, qui détruit l’avenir brillant, l’avenir qui devait être à Maurice ? Dodo, le lépreux Felsen qui est resté, lui, à l’île Maurice (comme l’autre rongé de nostalgie qui habiterait le père si silencieux et si résolument resté mauricien ?), n’y a cependant aucun avenir, tout lui est devenu inaccessible, il fait peur à tout le monde. Il a été contaminé par une prostituée. Mais la prostituée, que symbolise-t-elle ? Nous pourrions penser à la lèpre de l’argent, du tourisme de masse bien plus juteux que la canne à sucre, aussi du tourisme sexuel, et d’abord celle de la colonisation elle-même, qui défigura le paysage d’une terre originaire, détruisit son avenir équilibré. Mais le très jeune Dodo, brillant pianiste qui a de l’avenir, ne voit pas venir la maladie dans cette si gentille Zobeide, qui l’initie mais aussi le contamine très jeune. A la fin du roman, Dodo lui aussi s’exile en France, arrive jusqu’à Nice, croise un Felsen très âgé, et va mourir tout seul, comme rendu à la terre d’où étaient partis les premiers colons ! Mais aussi en signifiant entre les lignes qu’à Nice le père mauricien de Jérémie Felsen lui aussi était mort rongé par une autre lèpre, intérieure, une nostalgie mélancolique ? Dodo : « Alma, Alma mater, dit mon papa pour rire, il dit souvent que les sucreries à Maurice sont pareilles à de grosses truies qui allaitent beaucoup de petits cochons roses, parce que les actionnaires sont tous des Blancs avec la peau bien rose, et chaque petit cochon tète goulûment les mamelles de la maman truie, ils boivent son lait jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus, bien gras et repus, et ils s’endorment à côté de leur mère et leur mère s’épuise et maigrit à les nourrir. Et pendant ce temps, les ouvriers n’ont que des miettes, les gouttes du lait de la truie, ils regardent le spectacle de la porcherie, la bouche sèche et les mains crispées de colère, eux tout noirs et affamés, ils regardent ces jolis petits cochons roses qui dorment contre leur mère… Alma, ce n’est pas ma mère, j’ai bu le lait d’Artémisia,.. J’avance au milieu des cannes plus hautes que moi, je chasse les tourterelles. » Sur cette terre de l’origine, l’envers du décor est le contraire d’idyllique, il y a le crime, la maltraitance… Dans le roman familial, il y a ça, qui s’écrit par le récit du lépreux Dodo, enfant de la mésalliance.

Silence si parlant du père de Jérémie Felsen, si lourd, pourtant habité on s’en rend compte par le récit d’Emmeline d’une mémoire adolescente donc pleine d’idéalisation ! Mais partout dans son bureau il y avait des objets rappelant cette terre natale, mais dont l’autre nom est terre de colonisation. A Alma, Jérémie Felsen va le vérifier, le nom Felsen est encore connu comme celui de colons qui avaient connu une prospérité aristocratique, une sorte de plénitude. Parmi ces objets entourant le père dans son bureau, une pierre blanchâtre et ronde a intrigué longtemps le petit garçon qu’il était jusqu’à ce qu’il ose demander ce que c’était à son père. Celui-ci sort de son silence à la grande surprise de son fils de dix ans, et dit : « c’est la pierre de gésier d’un dodo ». Il l’avait trouvée au milieu d’un champs de cannes à sucre, une découverte très rare ! Le dodo était un gros oiseau, presque sans ailes et tout rond, dont le nom signifiait oiseau de nausée, qui vivait sur l’île avant l’arrivée des humains, et qui à cause d’eux disparut. C’est un oiseau dont la disparition représente l’action criminelle des humains, des colonisateurs qui saccagent la nature et les hôtes natifs. Il symbolise le crime originaire, le sacrifice qu’implique une colonisation, et la mauvaise conscience de ceux qui croient être purs de tout désir de s’accaparer un lieu alors même qu’ils s’accrochent envers et contre tout à l’enracinement en ce lieu d’une inoubliable plénitude ! Le dodo, l’oiseau de l’origine, lui, par son destin tragique, ne symbolise-t-il pas le déracinement violent, originaire, celui de la naissance, la mise dehors alors même que ses ailes atrophiées signifiaient qu’il n’avait encore jamais volé à l’air libre du dehors ? N’ entend-on pas dans la disparition du dodo au cœur de ce roman, dans son nom lui-même, l’autre nom de la mort camouflée en sommeil éternel, faire dodo comme l’enfant bienheureux dans son ventre ? Dans ce roman, cet oiseau qui ne vole pas, qui ne s’envole pas, qui reste rivé à la terre, que symbolise-t-il plutôt, si ce n’est pas celui qui est déraciné pour naître et bien sûr pas pour laisser la place à des colons avides bien plus assoiffés d’enracinement matriciel ? Lui déjà est l’oiseau qui ne peut pas s’envoler vers son avenir, mais est retenu au cœur de la forêt, circonvenu ? C’est en tout cas avec cette pierre blanche dans sa poche que le narrateur décide de revenir sur la terre natale de son père.

Le roman de Le Clezio s’ouvre par une colère de toujours contre ce que les dominants avides ont fait aux habitants originaires de la terre, à ces êtres vus comme inférieurs, symbolisés aussi par cet oiseau de l’origine que les humains ont fait disparaître. Il commence par cette pureté, par cette innocence face au crime dénoncé, par ce devoir de mémoire en écrivant les noms, tandis que par ailleurs il est question d’une famille de colons. La colère, qui semble valoir innocence, au plus profond de la compassion d’autant plus authentique que le père a connu lui-même ce déracinement d’avec la terre natale que vécurent avant lui les premiers habitants décimés par la colonisation et la traite des esclaves, se dit par un devoir de mémoire, par cette liste de noms d’esclaves jetés autrefois sur l’île Maurice, qui n’avaient qu’un prénom, oubliés de tous mais qui, depuis l’enfance, restaient pourtant dans les conversations familiales au point de presque faire partie de l’enfance du narrateur. Mais on ne comprend qu’à la fin la raison précise de cet acte de réparation, ce silencieux fond de culpabilité qui semble barrer l’avenir, et fit jaillir le désir impérieux d’aller voir sur place ce que c’était. Presque à la fin du roman, il est question du dernier dodo trouvé dans la forêt, un survivant, et qui est ramené en France, où il finit par mourir. On ne peut s’empêcher d’être frappé par le parallèle avec le père du narrateur, lui aussi exilé de sa terre natale mauricienne, qui n’y retourna jamais, et peut-être son fils sentit-il en lui quelque chose de mort aussi, un dodo mort, cette indicible nostalgie d’un paradis des origines, cette idéalisation aussi. Ce dodo mort semble aussi figurer l’avenir sombre de l’humanité. Alors lorsqu’il revient de l’île Maurice tel le dernier oiseau des origines, Jérémie Felsen ne se voit pas non plus d’avenir…

Le Clezio revient donc sur les pas du passé familial colonial, avec toutes ses atrocités, ces esclaves arrachés à leurs terres pour être jetés sur les côtes mauriciennes s’ils n’étaient pas encore morts dans les cales irrespirables des bateaux négriers. Il revient comme pour remonter jusqu’au cœur de la forêt, et retrouver là la pureté de l’origine, à laquelle le narrateur s’accroche comme à l’ultime possibilité d’innocence, cette innocence à laquelle l’adolescence qui n’a pas encore vu pousser ses ailes croit. Insiste dans ce texte de colère et de devoir de mémoire ce déracinement sanglant et violent, ce crime originaire, par lequel d’autres se mettent à la place des natifs en les utilisant comme esclaves ! Comme si cet esclavage avait partie liée avec la croyance à une terre de l’origine idyllique, où comme dans l’utérus tout se fait tout autour comme tout seul, cela étant fait par les esclaves servant les colons ? Arditi, jeune créole violée et enceinte qui vit dans une communauté dans la forêt, où elle se bat pour que cette nature et ses habitants naturels tels les oiseaux restent inchangés, lui dit en effet : « Je vais te montrer le cœur du monde ». C’est sa forêt. Elle est une combattante de cette forêt. On dirait que le narrateur, qui la suit, se prouve l’existence idéalisée de l’origine par cette femme qui la défend, qui sait suivre une piste invisible, qui lui fait découvrir l’arbre de l’oiseau disparu, qui évoque soudain on ne sait pourquoi cette « impression qu’on a devant une espèce en danger d’extinction ». Le narrateur aime bien sa candeur… Nous entendons : le narrateur voit de ses yeux le lieu où rien, peut-être, ne change, alors que cette île Maurice est la terre qui a tellement été bouleversée, par la cruauté et l’avidité des hommes surtout. Aditi, comme seule contre tous, immobilise la nature, le temps, alors que tout autour le monde change mais le narrateur ne s’y voit pas d’avenir, comme courant sur la planète sur les lieux qui, encore, changent moins vite qu’ailleurs, rattrapant comme il peut la queue de la comète. Tandis qu’Aditi accouche toute seule de sa fille au bord de l’eau, dans sa forêt, comme pour prétendre que ce sont les femmes qui font, qui immobilisent, qui empêchent de se disloquer, de se détruire, le lieu originaire idyllique. De mère à fille juste née, se dessine le maillon nécessaire, une mère garde sa fille dans ce « cœur du monde », comme s’il était possible de ne jamais perdre le lieu matriciel, comme si la queue de cette comète était rattrapable dans certaines vies voyageuses…

Le narrateur du roman « Alma », peut-être vient-il chercher sur la terre natale de son père les raisons de son silence, ce quelque chose d’innommable, qui empêcha chez son père le retour et qui n’était pas seulement la destruction de la propriété et de l’usine à Alma par les Armando avides de développer à la place du tourisme (donc, comme les premiers colons avaient provoqué l’extinction des oiseaux de l’origine ainsi que l’hécatombe terrible des esclaves maltraités, certains Felsen furent à leur tour chassés, comme si c’était la loi cruelle du changement ) ? Peut-être que la raison la plus douloureuse, la plus insupportable, était autre chose, que le fils va retrouver ? Et que, comme son père, il va ensuite fuir, se déclarant sans avenir, comme défense absurde contre la venue à la conscience que dans sa famille aussi, il y avait cette cruauté, ce racisme, ce comportement abject à l’égard d’êtres humains supposés inférieurs et leur intolérance à l’égard de toute mésalliance.

Aditi s’était moqué du justicier qu’il semble être ! « Le justicier. L’ami des Noirs. La phrase d’Aditi me trotte dans la tête… » Mais il veut retrouver les traces de ces Noirs… En réparation par rapport à ses ancêtres colons ? « j’irai partout, je veux tout voir… des noms qui s’effacent chaque jour, des noms qui s’enfuient au bout du temps… comment tout savoir ? Comment tout comprendre ? » Pamponnette est une plage délicieuse pour les touristes français, allemands, sud-africains… Lui, il semble s’apprêter à détourner pour toujours son regard, comme pour soutenir envers et contre tout qu’il n’est pas complice. Mais la vraie réparation, ne serait-elle pas de se sevrer du désir d’un lieu idyllique, celui que les colons d’autrefois et d’aujourd’hui prétendent prendre, acheter à moindre prix en détruisant ? La vraie réparation, n’est-ce pas ce déracinement originaire, qu’est la naissance, qu’aucune femme ne saurait inverser, empêcher ? Tout le contraire de la logique de la colonisation, et ce qui la met en branle, cette avidité pour une terre exotique promettant la plénitude ?

Mais l’écriture toujours s’accroche, passe outre, « … je sens que mes jours ici vont bientôt se terminer, qu’il est temps pour moi de passer outre, d’aller loin, ailleurs, retourner à ce que je connais, Paris, Nice, non pas à ma destinée, je n’ai pas cet orgueil de croire à un destin… ce que je vais laisser ici sera un rideau refermé sur une scène qui se continuera sans moi. » Passer outre ? Se continuera sans moi ? Bon…. ! Emmeline l’invite, pour finir, à aller voir « cet endroit le plus sombre de notre histoire, à nous les Blancs », pour qu’il lui dise ce qu’il a senti. C’est à Bras d’Eau. « Mais c’est la prison des Noirs, Jérémie, la prison des esclaves, partout dans l’île on les a démolies, on ne voulait plus voir ça, tu comprends, pas parce qu’elles nous faisaient honte, non, parce qu’elles gênaient, elles prenaient de la place, on ne pouvait pas les rendre jolies pour en faire des campements à touristes… ». Elle y était allée avec le père de Jérémie. Pour aller pêcher des crevettes ! « Maintenant c’est moi qui marche sur ses traces… Il n’y a plus rien ici, même le silence qui jadis a terrifié Emmeline et mon père n’existe plus, les autos et les camions montent la route dans leur bruit asphyxiant. C’est encore plus solitaire, dans la promiscuité de la vie moderne… L’angoisse des prisonniers emplit peu à peu l’espace, un autre bruit, plus lointain, plus puissant celui-là, la rumeur grandissantes des plaintes, les respirations oppressées, le grincement des ongles sur les murs…. »

L’écrivain de nulle part, J.M.G. Le Clézio, nous a-t-il convaincu de son innocence, lui qui voyage et migre à travers la planète, qui peut désormais jouir de ce luxe parce que son talent est à juste titre partout reconnu, lui qui fait entendre sa colère à propos des migrants, lui le justicier comme dit la femme créole Aditi ?

Alice Granger Guitard



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