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L’homme qui voulait peindre des fresques -Michel Herland

Recueil de poèmes paru aux éditions Andersen

lundi 22 avril 2024 par Françoise Urban-Menninger

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Grand voyageur au propre comme au figuré, Michel Herland, installé depuis une vingtaine d’années en Martinique, explore désormais un nouveau continent, celui de l’âme humaine. En guise d’introduction à son livre, l’auteur nous propose un "Petit manifeste poétique" où il nous explique que "le besoin de s’épancher" est vite remplacé "par le plaisir d’agencer les mots" et c’est bien cette musique-là que le poète nous donne à entendre dans ses vers qu’il fait chanter dans diverses tonalités jusqu’à appréhender un désenchantement teinté d’amertume et d’ironie.

Né à Toulouse en 1945, Michel Herland a dirigé des établissements supérieurs, notamment au Vietnam, il fut par la suite vice-recteur en Nouvelle Calédonie avant de s’établir à la Martinique. Sa poésie en a pris la couleur et l’on retrouve ce rythme incantatoire envoûtant qui fait pulser le sang sous la peau et donne envie de scander ses écrits à haute voix "Ô Négresse d’amour/ J’aime quand tu balances/ Les rondeurs de tes hanches/ Tu me laisses effleurer/ Le creux de ton échine/ Et je vais m’enivrer/ Des senteurs de la Chine". Le corps de la femme devient celui du texte tout en sensualité "Dont la corolle gracieusement s’incline". On songe aux vers de Baudelaire tirés de L’invitation au voyage "Là tout n’est qu’ordre et beauté/ Luxe, calme et volupté" mais très vite, le poète déchire le voile des apparences dans une volte-face où il s’écrie "Arrête ta chanson" et de dénoncer "les discours indolores" qui "Ne font ni chaud ni froid/ Au peuple qui réclame/ Qu’on lui donne ses droits" !
Intitulé "Décembre 1959", l’auteur publie une diatribe que ne désavouerait pas un rappeur "Il est seul dans son coin/ Triste, sale et sans soin/ Il n’imagine pas/ Que dans la Grande Salle/ On parle de trépas". L’autodérision, l’humour jaune ou noir sont de la partie dans cette poésie où les jeux de mots ont cette saveur née du savoir car les deux termes ont la même étymologie "sapere". Nul doute que Michel Herland possède l’art du troubadour, à savoir celui "de trouver, d’agencer les mots" tel qu’il le définit dans sa préface. On prend plaisir ainsi à déguster ce fin quatrain "Une grosse langouste/ Vaut mieux qu’une mangouste/ Et les poissons dorés/ Sur la toile cirée".
Mais ce sont les sonnets de Michel Herland qui font écho à ces musiques de l’âme qui nous portent et nous emportent. Les vers du Sonnet pour des amours défuntes nous remémorent sur le même thème intemporel ceux de Ronsard car ils évoquent cette fuite du temps accompagnée du "dernier bouquet de roses". Le poème intitulé Eros et thanatos où l’auteur compare sa "maîtresse dans toute sa splendeur" à sa "mère sur son lit de douleur" est d’une beauté poignante qui serre le coeur du lecteur dans le même temps que le poète confie "Vous êtes dans mon coeur comme deux soeurs jumelles/ Emouvantes charmantes également fidèles/ Je vous aime aussi fort j’en ai fait la promesse". On devine alors que L’homme qui avait peut-être peint des fresques, différent du titre du recueil L’homme qui voulait peindre des fresques n’est autre que l’auteur en quête de lui-même à l’instar de Socrate qui préconisait le fameux "Connais-toi toi-même".
Dans ce recueil, Michel Herland nous laisse découvrir une multiplicité d’êtres qui cohabitent en lui mais il redevient un lorsqu’il aborde notre humaine et commune condition en affirmant que "le bonheur se délite" et de revenir sur son histoire familiale qu’il appréhende telle une fresque dans laquelle il rend un vibrant hommage à sa mère Ô ma mère adorée, tu es notre fierté .
Michel Herland sait faire voyager le lecteur entre ses vers au plus loin de lui-même jusque sur les rives de l’intime où chacun peut le rejoindre pour l’ultime rendez-vous où, écrit-il, lucide et sous le sceau de l’ironie "vous irez tout seul"...On a envie de lui répondre par-delà le temps et les mots que la musique du monde jamais ne s’arrête et que c’est peut-être là le secret du bonheur, aussi fugace soit-il, de l’avoir éternisée dans ce recueil telle "Une poussière d’or"...

Françoise Urban-Menninger



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