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Analyse d’une nouvelle de Maupassant  :...
mardi 30 juillet 2019 par A. Amrani

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Analyse d’une nouvelle de Maupassant  : Allouma
Il est impossible de concevoir une intrigue romanesque sans la situer dans un espace qui participe, d’une manière ou d’une autre, au programme narratif instauré par le récit. Les auteurs du XIX° et , parmi eux , Guy de Maupassant, compte, pour conforter leur « désir du réel » , sur l’ introduction du paysage comme élément fondamental de l’écriture réaliste. La nouvelle, « Allouma », extraite du recueil intitulé La main gauche n’échappe pas à la règle. En effet, elle s’ouvre, comme souvent il est de tradition dans ce type de récit, par la description du cadre-ici, exotique- dans lequel se déroulera l’intrigue. Ce passage descriptif inséré dans ce qu’on appelle récit de voyage-celui d’une contrée algérienne sous la colonisation- destiné au départ à rendre compte de façon objective, d’un espace particulier, à des lecteurs parisiens va vite être transfiguré par l’écriture en un lieu
fantastique et expression d’une prémonition.
Le récit s’ancre dans la réalité d’un espace géographique authentique, celui d’une contrée algérienne nommément désignée, la Mitidja, et, plus loin, la vision d’un monument historique très connu, pris en charge par un narrateur homodiégétique. C’est cet espace exotique qui inaugure la nouvelle et qu’il s’agit d’abord de faire connaître et découvrir au lecteur à travers une description réaliste marqué par le souci du « rendu »,. Pour cela, tous les procédés d’authentification sont mise en œuvre : motivation de la description par l’ « égarement » du voyageur ( « Ce jour-là, je m’égarai » ) ,choix d’une description itinérante qui permet au narrateur de prendre le lecteur par la main pour lui faire découvrir le paysage, au gré de son parcours erratique, à la manière d’un guide touristique. Ainsi, on fait connaissance avec le relief vallonné du sud, la flore , l’atmosphère brumeuse des hauteurs , la couleur du ciel, et « au loin », la population réduite à un élément du décor, à des silhouettes blanches ,faisant corps avec la nature et la terre , « les tentes accrochées au sol comme les coquilles de mer sur un rocher ».Bref , tout ce qui ressort de la « couleur locale » et qui permet de s’évader l’espace
d’une lecture de la grisaille parisienne.
Mais cette réalité décrite va être transfigurée, par le jeu des comparaisons et des commentaires du narrateur, en un univers fantasmé où l’exotisme géographique, le dépaysement physique va vite laisser place à un dépaysement psychologique et mystique, à une évasion euphorique hors des siens et de soi, « loin de toutes les choses et de toutes les gens... » vers un ailleurs où « « rien ne pèse, ni le corps, ni le cœur, ni les pensées, ni même les soucis » .L’espace va devenir le lieu d’investissement d’une subjectivité exacerbée qui « s’accapare » du paysage pour faire corps avec lui, se perdre en lui, l’assimiler comme un organisme assimile la nourriture, se nourrir de son « sang », celui des arbouses dont « je cueillais les plus mûres pour les manger ».
A un autre niveau, plus symbolique, l’étude du processus énonciatif et des mécanismes de la métaphorisation révèle une contexte socio-historique, plus tragique .En effet, la présence de l’auteur en Algérie conquise est motivée par son désir d’enquêter sur le chef d’une insurrection contre l’occupant dans le sud-oranais :Bouamama . Par ailleurs, l’écrivain était conscient du sort réservé aux Arabes et avait dénoncé la spoliation dont ils étaient victimes sans aller pourtant, jusqu’à remettre en cause la colonisation .Cette prise de conscience se traduit dans le récit par une sorte de vision pessimiste de l’avenir de la colonisation : le sol couvert de « pluie suppliciale », rougi par les arbousiers, ces arbres « martyrs »qui laissaient « 
par terre des traces de meurtre  ».
En définitive, tout en s’inscrivant dans une tradition du récit de voyage marqué du sceau de l’exotisme, de la découverte d’un Autre , de préférence conforme aux idées que l’on se fait de lui, propre à satisfaire un lectorat parisien en manque d’étranger et d’étrangeté, l’écriture maupassantienne instaure le paysage littéraire non seulement comme lieu d’un dépassement de soi mais, en l’ancrant ainsi dans l’HISTOIRE, comme vision prémonitoire.

A. Amrani



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