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La flamme sédentaire et La rose de chêne, poèmes de René Char

Dans respectivement, Le Nu perdu (Poésie Gallimard) , et Feuillets d’Hypnos ( Folioplus)

jeudi 10 octobre 2019 par Alice Granger

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A propos de « La flamme sédentaire » (Le Nu perdu – Folioplus, 2007)) et « La rose de Chêne » (Feuillets d’Hypnos – Poésie/ Gallimard, 1978), René Char.

Poème « La flamme sédentaire ».
Alors que, pour René Char, la poésie requiert le « retour amont », languissant de communion, le naufrage séparant de l’enfance chanceuse n’ayant laissé qu’un bijou, un gouvernail, une barque maltraitée, pour notre cœur, à la lisière de la constellation, l’a-t-il enfin rencontrée, la Beauté toute évoquée par Albert Camus lors de son retour à Oran face à la lumière d’été, et est-il enfin heureux ? Parvenant « face à la montagne frontale », après avoir précipité « la rotation des astres et les lésions de l’univers » par intuition d’une beauté à laquelle il fallait toute la place, et en se posant la question du « pourquoi la joie et pourquoi la douleur » comprenant que la perte de cette beauté était la condition de sa retrouvaille poétique dans un souffle fragile et battant, il vit surgir « vêtus de soleil et d’eau » ceux que nous disons être des dieux, qui est l’expression « la moins opaque de nous-mêmes ». Ces dieux qui surgissent lors du retour amont, il faut juste les fêter au plus près, et non pas les civiliser. Car « leur logis étant dans une flamme, notre flamme sédentaire ». La sédentarité, avec la poésie, c’est la flamme ! Parce que cette flamme a à voir avec une beauté perdue mais qui garde toute la place pour elle, et dont la présence se saisit par le verbe poétique dans des émerveillements que le rescapé de retour à la vie, dans un renversement, vit comme le souffle, la respiration, et comme Dante écrit dans « Le traité de la langue vulgaire », en exil ce qui est perdu mais reste comme toute la beauté vient se rythmer, tel un « cardine », un pivot, un substrat, avec ce qui est retrouvé en vivant, de sorte que l’exil lui-même est renversé, puisque la perte joue maintenant avec la retrouvaille, tandis que de la panthère ne se sent que le parfum, non pas la dévoration. J’aime beaucoup cette image de la flamme sédentaire, qui associe la flamme veilleuse, qui frémit, fragile, prête à mettre le feu à chaque occurrence miraculeuse, vivante comme la pulsion de vie, et l’immobilité, l’abri sûr pour ce qui n’a pas de prix, souvenirs spéciaux qui viennent habiter une mémoire de paix. Flamme qui, telle la liberté, vient comme la liberté par la ligne blanche, qui est aussi bien l’aube que le crépuscule. « Du vide inguérissable surgit l’événement et son buvard magique » (Le Nu perdu).

Poème « La rose de chêne » (Feuillets d’Hypnos)
La Beauté aussi est un chêne qui se dilate dans le ciel en le barrant par sa « phrase géante », qui est enraciné profondément dans la terre de l’amont, mais est aussi fleur, rose fragile, éphémère, qui se perd, qui n’est que souffle, que respiration poétique. La Beauté est « au tableau d’honneur des supplices » parce qu’elle est perdue, gardée dans l’écrin de la perte, plutôt, mais que le poète rescapé par le verbe veut dans la douleur retrouver dans la présence qu’il sent dans la nature accueillante et qui, alors, renverse l’exil en retrouvailles fragiles, joyau de la création au cœur de la solitude. Cette Beauté qui se dilate tel un vénérable chêne en barrant le ciel de sa phrase épouse alors « la plane simplicité du soleil », et elle « s’associe à l’homme acharné à tromper son destin avec son contraire indomptable : l’espérance ». Elle s’associe à l’homme acharné à tromper son destin mortel d’humain. Car en effet, il n’y aurait pas de poésie sans une conscience tragique infinie, et la pulsion de vie comme le souffle fragile et tenace. Cette rose de chêne est aussi, par la conscience tragique de la condition de solitude des humains, la rose de personne du poème de Paul Celan.

Alice Granger Guitard



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