Nouvelles parues aux éditions Unicité
vendredi 10 juin 2022 par Françoise Urban-MenningerPour imprimer
Valéry Molet, poète, nouvelliste, romancier, essayiste mais aussi éditeur explore tous les genres littéraires en les renouvelant de sa plume acérée trempée dans l’acide décapant de l’autodérision.
Le couple que l’auteur nous donne à découvrir dans "Quelques jours près de Vézelay" s’apparente à un sketch d’une désopilante cocasserie. Les détails sur leurs ébats sexuels tiennent du burlesque et de la loufoquerie. Le narrateur y évoque la théorie de sa compagne sur "le goût du sperme" qui "changeait au gré des saisons"...Quand il se rend au supermarché vézelien, le lecteur a droit à des réflexions existentielles du genre "Pousser un caddie était-il fondamental ?"
Le narrateur lucide sur l’état de déliquescence de la société et de l’âme humaine ne s’épargne pas. Bien au contraire, "je faisais pitié", lit-on et plus loin, le même d’évoquer "le plus gros benêt que la terre eut porté" !
Nous plongeons notre regard dans ce livre qui n’est autre qu’un miroir grossissant qui brise les apparences et débusque tous les faux-semblants. La carricature et l’outrance donnent leur tonalité à ces nouvelles hautes en couleur.
Dans "Invitation au funérarium", on suit d’un oeil amusé les pérégrinations d’un certain Bauval dans la gare où il est en partance pour Brno. Le lecteur assiste à un festival d’images qui ne font pas dans la dentelle, on y rencontre "...hormis les alcooliques, les drogués, les hommes aux ongles en dents de scie, les femmes aux
yeux vides qui promenaient leurs chiens, les rebuts en tous genres qui n’y participaient pas, étant soit des ordures soit des larves souhaitant visiblement de tout coeur obvier à l’harmonie qu’engendrait l’absence de désarrois de ces centaines d’êtres humains dont la santé excellait et sur les faces desquelles la génoise de l’ennui n’était pas enduite".
Nul ne s’étonnera de la chute de cette nouvelle et de sa bascule dans ce néant qui offre à la littérature le dernier mot.
Mais dans "Echouer", c’est l’auteur qui reprend le fil de ses écrits en les renouant après les avoir habilement dénoués car, écrit-il, "chaque historiette a son épilogue si bien qu’elle renvoie aux recueils de nouvelles déjà publiés Le noeud du pendu et Dénouements..."
Qui rit derrière les mots, si ce n’est leur auteur qui nous invite à retrouver le sieur Bauval dans "Bois-Baudry" où un gendarme lui explique sur un ton sibyllin :"La mort, cher Bauval, la mort rôde ici, même dans ce village paisible. Elle vient d’emporter quatre âmes !..."
Inutile de préciser que dans un style décalé au verbe souvent acerbe, Valéry Molet excelle dans l’art de la distanciation pour mieux mettre en exergue les petites mesquineries et les lâchetés qui sont le pain quotidien que nous partageons en toute hypocrisie.
Rire de nous-mêmes et de nos travers, n’est-ce pas déjà la reconnaissance de notre humanité dans ce qu’elle peut avoir d’inhumain ?
Si l’humour est la politesse du désespoir selon Boris Vian ou Chris Marker, l’impolitesse ne serait-elle pas une forme d’humour noir ou jaune à la Pierre Desproges qui n’aurait d’autre but, selon les dires de ce dernier que "de désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles" ?
Quant au titre, si la nature a horreur du vide, que vaut la vacuité d’une existence sans écriture ? D’où sans doute "L’aménagement des crevasses" pour tenter de les combler sur le terreau de la page blanche ...
Françoise Urban-Menninger
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