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La diseuse de mal espérance

Florent COUAO-ZOTTI

dimanche 19 septembre 2004 par Alice Granger

Editions L’Harmattan et Editions NDZE 2001

Quelle magnifique pièce de théâtre ! Et quelle langue ! Et quelle réflexion fine, intelligente, sur la spécificité de l’Afrique et sa tragédie, à travers du théâtre, et spécialement son héroïne principale, Oulima, liseuse des lignes de la main surtout pour les gens malchanceux comme le clochard Clodo ou cette sorte de Quasimodo monstrueux Modo, Oulima qui représente à l’évidence cette Afrique-là qu’on pourrait dire matricielle, sensuelle, suave, enivrante, irrésistible, colorée.

D’une part cette diseuse de mal-espérance longiligne, aux charmes desquels personne ne peut résister. Pas même l’Abbé qui voudrait nettoyer le monde justement de ce péché représenté par cette femme-Afrique si proche du corps, si envoûtante, qu’il faudrait refouler selon la manière occidentale mais qui ne l’est pas en Afrique, Abbé qui en secret succombe à son charme et la voudrait pour lui tout seul dans sa cathédrale. Pas même l’Inspecteur chargé d’aller l’arrêter, la faire tomber à jamais dans la cave, et ne peut que témoigner, lui aussi , de ce qu’elle remet par sa seule présence corporelle et par ses paroles en mémoire, à savoir cet état bienheureux, corporel, sensuel, d’où chacun sans exception vient. Reconnaître cela à travers cette femme-Afrique, Oulima.

D’autre part, l’Abbé qui semble représenter l’Occident nettoyeur et dominateur imposant les supposées vraies valeurs, bien propres et bien lucratives. Mais, dans la pièce, il échoue, trahi par sa sensualité et par son désir qui, eux, s’enracinent dans une zone matricielle bien représentée par l’Afrique. Abbé trahi par son corps, mis en demeure, dans la pièce, de l’écouter. Et mourant, en fin de compte, en tant que nettoyeur refouleur mondialisant.
Pourtant, Florent Couao-Zotti n’est en rien complaisant envers cette Afrique-là incarnée par Oulima, et c’est là que sa pièce est formidablement intelligente. En effet, l’Abbé meurt, mais Oulima aussi. Oulima meurt comme cette matricialité dont se séparer, elle se referme sur elle-même, il faut lui faire les funérailles-épousailles qu’elle mérite, afin que la vie elle-même puisse procéder de cette référence unique, sensorielle, suave, d’en-deçà, à ne pas échanger contre des valeurs propres et uniformes. C’est en cela que les prédictions de la liseuse des lignes de la main peuvent être favorables. Qu’elle, elle-seule, cette africanité-là, serve de référence unique pour mesurer la qualité de chaque chose par-delà la séparation, la perte, le deuil, pour ne pas perdre ces valeurs africaines menacées par la mondialisation.

Une pièce sublime et colorée, qui nous donne à entendre l’Afrique !

Alice Granger

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